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'Racisme et xénophobie en tant que réactions politiques'
 
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Racisme et xénophobie en tant que réactions politiques

 

 

Source Internet [1] / Source Internet [2]

Devant les problèmes sociaux et le manque d'intégration sociale, la question des immigrés se pose depuis longtemps déjà d'une façon tout à fait différente. L'importance grandissante de la problématique des immigrés et de l'immigration est moins liée aux immigrés eux-mêmes ou à leur comportement qu'à la question de savoir quelle place ils peuvent occuper dans la vie quotidienne française et dans quelle mesure ils y entrent en concurrence avec les Français de souche. Le modèle d'intégration qui s'est développé au XIXème siècle et qui fonctionnait bien à l'époque ne fonctionne plus aujourd'hui, du moins pas en tant que quasi-automatisme qui à l'origine garantissait l'intégration pratiquement sans problèmes dans le système économique et notamment dans la classe ouvrière. Ceci ne signifiait bien entendu pas pour autant une intégration culturelle et sociale directe. La distance envers la société française, et surtout envers les couches moyennes et élevées, est toujours restée importante.

Il y a ici cependant, vu de l'extérieur, une certaine contradiction. La France s'est toujours comprise comme une société d'assimilation culturelle montrant peu de tolérance envers d'autres communautés culturelles. La société française se définissait plutôt tout simplement comme nation, avec une "intégration extraordinairement poussée de l'économie nationale, de la culture nationale et d'un système politique organisé autour d'un Etat fort" (Dubet 1999: 105). D'après ce "modèle français", les immigrés et les travailleurs étrangers étaient rapidement assimilés à partir du moment où ils avaient accès à certaines formes de participation sociale, notamment à l'école et dans le domaine culturel. "Les caractéristiques culturelles des communautés étrangères restaient limitées à la sphère privée jusqu'à ce qu'elles se dissolvent peu à peu dans les cultures populaires françaises. Ce modèle d'intégration reposait aussi bien sur l'intensité de relations dans le travail que sur l'universalisme de la culture et de l'institution" (ebd.: 111).

C'est justement là que réside le problème, car la force de liaison du monde du travail s'est dissoute en même temps que l'économie se dirigeait vers la (les) crise(s). Ces turbulences ont commencé, et ce particulièrement fortement, dans les années 1970 et ne se sont aujourd'hui toujours pas calmées, car depuis les processus de transformation ne sont plus seulement sectoraux, mais aussi mondiaux. La main d'œuvre française et la main d'œuvre étrangère sont devenues rivales, de tels conflits sont également présents en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe de l'ouest. La France a certes réagi par une cessation de l'appel aux travailleurs immigrés, mais comme dans d'autres pays d'Europe de l'ouest on assista à des regroupements familiaux [3] dont la mesure ne cessa de grandir jusqu'au milieu des années 1980. Il est important de remarquer que ce processus concerna surtout les groupes d'origine nord-africaine qui ainsi formèrent une sorte de minorité post-coloniale en France. Certes l'attachement à la communauté chez les Maghrébins n'est pas aussi fort que par exemple chez les Portugais ou les Turcs, cependant il existe des relations informelles au sein de la famille au sens large, par village ou région d'origine, ou aussi du fait de commerces et réseaux commerciaux dans le sens d'un business ethnique, relations assez fortement développées dans de nombreuses (grandes) villes de France.

A cela s'ajoute le fait qu'en 1981 l'une des premières mesures du gouvernement de gauche fraîchement élu fut d'accorder aux étrangers le droit de fonder des associations à but non lucratif. Cela eut pour conséquence la création d'innombrables associations pour étrangers, y compris de nombreuses associations de mosquée dont les membres se réunissent le plus souvent dans les caves des grands ensembles de banlieue et qui, comme signe de leur identité, revendiquent la reconnaissance de l'islam au même titre que les autres religions. Les immigrés nord-africains ne sont donc plus vus par la population française en premier lieu comme des ouvriers dans l'entreprise, mais comme des personnes étrangères ayant une autre religion (Loch 1999: 122).

Les regroupements familiaux ont engendré des problèmes qui n'existaient pratiquement pas à l'époque où les travailleurs immigrés rendaient régulièrement visite à leur famille dans leur pays d'origine. Ce sont surtout les enfant d'immigrés qui deviennent les victimes de ce changement de situation. D'une part ils sont assimilés du fait qu'ils vont à l'école avec des élèves français, d'autre part ils souffrent, particulièrement en ce qui concerne l'intégration dans le monde du travail et la participation à la vie sociale, des courants racistes que l'on observe aussi chez de nombreux jeunes Français.

Dubet (1999: 112) décrit ce dilemme de la manière suivante: "Certains conflits très médiatisés, notamment l'interdiction du port du Tchador à l'école ou la querelle sur la construction des mosquées, semblent menacer le modèle universel d'intégration. Dans ces débats, les avis politiques et intellectuels sont partagés. Doit-on rester fidèle à la République et s'accrocher à un modèle de culture universel, même si celui-ci repose sur une culture française chrétienne? Doit-on revenir à un laïcisme plus sévère? Ou doit-on au contraire, suivant les traditions anglo-saxonnes, reconnaître certaines différences et admettre que la France se compose de plusieurs communautés culturelles? Doit-on accepter des quotas pour les différentes minorités (…)? Les problèmes d'intégration ne sont en tout cas plus considérés uniquement comme des problèmes sociaux, mais comme des problèmes nationaux qui remettent en question l'identité de la communauté nationale".

Comparaison des scores de Jean-Marie Le Pen au
premier tour des élections présidentielles de 1995 et de 2002


Source Internet : pageperso.aol.fr/valleronchon/defpatscoresjmlp9502.html

Les succès du Front National, parti d'extrême droite né en 1972 de la fusion de plusieurs groupements d'extrême droite sous la direction de son chef Jean-Marie Le Pen, montrent que tout cela est depuis longtemps devenu aussi une arme politique. Le Pen excelle dans l'art de manier un style populiste dont l'objectif est entre autres de mobiliser chez les électeurs et électrices des aversions envers les membres de certains groupes ethniques. La victoire de la gauche en 1981 contribua à l'essor du Front National dès les années 1980: il obtint en 1980 plus de 10% des voix, pourcentage qui a peu à peu augmenté depuis. En 1997, le FN réunit 12,5% des voix. La répartition des voix au niveau national laissa apparaître une forte corrélation entre pourcentage élevé d'étrangers et radicalisme d'extrême droite. Le parti obtint les meilleurs résultats dans les agglomérations urbaines présentant un fort pourcentage d'étrangers, un taux de chômage élevé, des problèmes dans le domaine scolaire, du logement, des loisirs et de l'infrastructure ainsi qu'un taux élevé de criminalité et donc d'insécurité publique.

Les thème populistes des campagnes électorales du Front Nationale sont clairs, et efficaces: chômage, (in)sécurité publique, immigration. Ces mots-clé reviennent sans cesse et sont présentés comme étant les dangers principaux menaçant l'identité nationale, laquelle serait de toutes façons déjà fortement menacée par la mondialisation. Le fait que les électeurs du FN se retrouvent désormais dans toutes les couches sociales montre bien l'efficacité de ces thèmes. Au niveau communal, le parti a fait son entrée dans de nombreux conseils municipaux, certaines ville du sud (par exemple Orange, Toulon, Marignane, Vitrolles etc.) ont un maire Front National. Aux élections communales de 2001, le FN obtint 13% des voix en moyenne nationale, dans certaines communes même plus de 30%. Le succès de Le Pen aux élections présidentielles de 2002 fit sensation: 16,9% des voix au premier tour, c'est-à-dire seulement 3 points de moins que le Président sortant Jacques Chirac (19,9%), mais surtout plus que le candidat socialiste Lionel Jospin ne put atteindre (16,2%). Cependant Le Pen ne put réitérer sa victoire éclatante de Mai 2002 un mois plus tard aux élections législatives où il n'obtint que 11,2% des voix. Du fait du système électoral majoritaire, le FN n'obtint certes aucun siège à l'Assemblée Nationale, mais est quand même arrivé troisième sur l'ensemble du pays (Pletsch 2003: 346).