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'"Tour de France" des artisans'
 
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"Tour de France" des artisans

Dès la fin du XVIIème siècle, des apprentis et des compagnons allemands avaient l'habitude de séjourner à Paris. Leur "tour de France" les menait pendant des mois, voire des années, dans de nombreuses villes françaises. En arrivant dans une ville, les compagnons cherchaient du travail dans les ateliers et s'il n'y avait pas de travail, les compagnons recevaient leur "viatique", de l'argent pour continuer leur tour.

 Presque tous les artisans voulaient travailler à Paris, car la capitale française était considérée comme le haut lieu du savoir-faire artisanal; surtout pour les menuisiers et les ébénistes spécialisés ainsi que les tailleurs et les cordonniers qui espéraient acquérir à Paris de nouvelles méthodes de fabrication. Les patrons venaient également à Paris pour apprendre des techniques particulières: comme p.e. ce coiffeur belge, François, qui, pour satisfaire ses clientes bruxelloises, suivit une formation payante à Paris dans le but d'apprendre à onduler "à la Marcel" (3). 

La physionomie des artisans allemands à Paris: à gauche les tailleurs, à droite les bottiers

 

 

 

 

Source: Deutsche Emigranten in Frankreich, Französische Emigranten in Deutschland 1685-1945. Eine Ausstellung des französischen Außenministeriums in Zusammenarbeit mit dem Goethe-Institut, Paris 1983, p. 89.

Le séjour à Paris rehaussait le prestige des artisans: Celui qui avait travaillé quelques années dans la capitale française avait de bons atouts sur le marché du travail en Allemagne. Les clients étaient impressionnés par les qualifications acquises à Paris. Cela dit, les artisans allemands avaient aussi une renommée excellente en France. Cela valait surtout pour les ébénistes ainsi que les tailleurs. La haute-couture de l'époque était allemande: il était de bon ton de faire couper ses vêtements chez un tailleur allemand.

"Non-seulement les tailleurs allemands sont en très-grand nombre à Paris, mais encore il est à remarquer que tous les plus célèbres dans les annales de la mode nous sont arrivés d'outre-Rhin, et le bon goût français, si renommé en Europe, doit une immense partie de ses progrès à ces Allemands qui passent tout justement pour très-mauvais juges en fait d'élégance et d'adjustments."

Extrait de: Louis Huart, L'Allemand, in: Louis Desnoyers et. al. (s.l.d.d.), Les étrangers à Paris, Paris 1844 (?), p. 160-180, ici p. 167.

Cette réussite commerciale incita bon nombre de patrons allemands à rester à Paris. On assiste à une répartition spatiale des différentes professions: les menuisiers et les ébénistes s'installaient dans le Faubourg Saint-Antoine derrière la Bastille, tandis que les tailleurs s'établissaient dans le "Sentier", le IIème arrondissement. Ces riches artisans étaient en voie d'intégration. Ils apprenaient la langue du pays, épousaient des Françaises et demandaient finalement leur naturalisation.

Le Faubourg Saint-Antoine


Source: Le faubourg Saint-Antoine. Un double visage, s.l.d.d. Dominique Hervier, Marie-Agnès Férault, Paris 1998, p. 21.

Les ateliers dirigés par ces riches patrons attiraient les compagnons allemands. Dans certaines cours et dans certains ateliers du Faubourg Saint-Antoine, on n'entendait parler qu'allemand. Il y avait aussi dans le quartier des tavernes, des cafés, des magasins, des associations et des clubs de lecture allemands. La présence et la visibilité des Allemands étaient extraordinairement fortes: le promeneur égaré dans les ruelles du Faubourg pouvait un instant se croire à Leipzig ou à Berlin (4). La capacité des compagnons à s'intégrer était plutôt faible: en dehors du travail, ils avaient très peu de contacts avec la population française. Et même après des années à Paris, la plupart parlait très mal le français. Les compagnons restaient souvent entre eux et passaient ensemble leur temps libre. 

"Depuis très-longtemps, les Allemands ont à Paris, pour ainsi dire, le monopole de certains genres d'industries; les bottiers et les tailleurs de cette nation sont surtout tellement nombreux, qu'on pourrait croire que les Allemands seuls ont la vocation de ces professions. (...) Le nombre des bottiers ou ouvriers bottiers allemands s'élève bien à deux mille, et celui des tailleurs ou compagnons tailleurs à quatre mille. Presque tous ces ouvriers sont garçons, et vivent, pour ainsi dire, en communauté dans certains hôtels où on parle allemand du rez-de-chaussée aux mansardes."

Extrait de: Louis Huart, L'Allemand, in: Louis Desnoyers et al. (s.l.d.d.), Les étrangers à Paris, Paris 1844 (?), p. 160-180, ici p. 166.

Avec le début de l'industrialisation, le nombre de compagnons exerçant leur travail à l'aide de machines s'accrut. C'était le cas des bottiers et des tailleurs qui vivaient dans des conditions misérables. Souvent les compagnons logeaient à 4 ou plus dans une petite chambre d'hôtel, sans lumière et sans chauffage, et dormaient sur un lit de paille, à même le sol.

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