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'Structure du marché et concentration des acteurs'
 
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Structure du marché et concentration des acteurs

Le cas particulier de Vivendi - lié aussi à la vision d'un management qui accordait plus d'importance à la spéculation financière ou à la shareholder value qu'au pilotage classique d'un groupe industriel - n'a en rien modifié le cap de politique industrielle poursuivi par le gouvernement. Qu'il s'agisse du secteur pharmaceutique (Aventis) ou des médias, seule entre en ligne de compte la compétitivité nationale.

Cette approche a favorisé la concentration et l'intégration verticale d'un marché médiatique [1] où opèrent actuellement six groupes, tous cotés en bourse, dont Vivendi dans sa nouvelle configuration. Ils sont, à des degrés divers, présents dans tous les segments des médias (cross-media-ownership) ou projettent de s'y diversifier.

Bouygues SA, géant du BTP, fait entrer la TV dans l'ère industrielle

Lors de la privatisation de TF1 en avril 1987, 10 % du capital vont aux salariés, et 40 % sont placés en bourse (petits porteurs). La moitié restante est vendue, à l'issue d'une procédure d'appel d'offres, à un groupe d'investisseurs parmi lesquels l'actionnaire principal Bouygues [2] SA (41,1 % des parts à la fin 2003), à qui est attribuée la licence d'exploitation. La même année, la société, qui s'appelle maintenant TF1 SA, est introduite en bourse ; aujourd'hui, le Groupe TF1 est un géant du cinéma et de l'audiovisuel.

Fig. 8

Bouygues est aujourd'hui un groupe industriel diversifié structuré par une forte culture d'entreprise. Implanté dans 80 pays, Bouygues compte 124 000 collaborateurs.

 

Source Internet [3]

Le rachat de la première chaîne par le géant mondial du BTP, Bouygues SA, provoque une levée de boucliers dans les milieux culturels qui lui reprochent ses "méthodes de cow-boy" et craignent une "acculturation". Bouygues n'était certes pas la première société privée à investir dans la télévision française (10), mais c'était le premier groupe industriel. 

Et Bouygues renouvela le pilotage d'une société de télévision, rompant avec la culture de l'administration publique qui prévalait jusque là dans l'audiovisuel public. L'industriel transposa à l'audiovisuel - des activités à haut risque et intensives en capitaux, mais où on se contentait auparavant de gérer des fonds publics, et où les recettes publicitaires n'étaient que rarement fonction de l'audimat - un modèle économique reposant sur des processus rationnels et soumis à un objectif d'efficience. Autrement dit : la privatisation s'est soldée par le reconnaissance de la véritable nature de la télévision - celle d'une industrie.

[4]

Mais à la différence de la CGE, le groupe Bouygues ne s'est pas engagé dans une croissance tous azimuts. Certes, il s'est diversifié lui aussi dans les télécommunications au milieu des années 1990, et selon la même approche (des infrastructures au contenu). Mais il reste prudent en matière d'engagement international. Et lorsque, par exemple, le groupe Kirch [5]  a déclaré faillite, la filiale TF1 [6]  aurait aimé racheter une partie des actifs (11), mais la maison-mère (Bouygues) s'était montrée réticente finalement poursuivre dans la voie de l'étroite coopération avec Kirch en matière de production cinématographique et audiovisuelle.

Le groupe TF1, pour sa part, poursuit son cap de croissance en tant qu'opérateur des médias : production, distribution, et avec une régie publicitaire propre. Sa chaîne hertzienne terrestre TF1 est le leader incontesté avec un taux d'audience de 32 % et 50 % du marché publicitaire. Parallèlement à la généraliste TF1, le groupe a fondé une famille de chaînes thématiques analogiques et numériques pour le câble et le satellite, parmi lesquelles Eurosport ou la chaîne d'information en continu LCI, très prisée des milieux politiques et économiques. Au cœur de cette famille, la participation majoritaire (66 %) au capital du bouquet numérique Télévision par satellite (TPS), qui offre à ses abonnés une cinquantaine de chaînes ainsi que des services interactifs. Dans la mesure où cette offre pourra, dans un avenir proche, également être diffusée par le réseau téléphonique (via l'ADSL) et que France Télécom est également présent au tour de table de TPS, des synergies bienvenues devraient se créer entre les activités audiovisuelles et la branche télécommunications de Bouygues.

Fig. 9

Le siège de TF1 à Paris. Le siège de TF1 se compose de cinq bâtiments totalisant 45.000 m2 de bureaux mais aussi de lieux de détente

 

 

 

 

 

Source Internet [7]

Ainsi, TF1 ne domine pas seulement sur le marché de la télévision hertzienne analogique, mais contrôle aussi près de la moitié de cette "offre complémentaire" disponible exclusivement sur abonnement : les chaînes du câble et du satellite.

En 2003, le groupe s'est diversifié dans la presse écrite, entrant au tour de table de l'éditeur du quotidien gratuit "Metro" aux côtés du groupe suédois Metro International. Ce faisant, TF1 se prépare à l'accroissement du marché que provoqueront le lancement de la télévision numérique terrestre et le développement de la télévision locale et régionale où devraient s'engouffrer les éditeurs de quotidiens régionaux.

Lagardère Groupe - de l'armement aux médias

L'arrivée de l'industriel de l'aéronautique et de l'armement, Lagardère [8] Groupe, dans le secteur des médias, a été plus discrète. En 1980 [9] , le groupe technologique Matra, au cœur de l'actuel Lagardère groupe, avait racheté le groupe Hachette, premier éditeur français (livres et périodiques) et leader mondial. En France, Hachette édite les dictionnaires "Larousse", la collection historique "Le livre de poche", des magazines TV comme "Télé 7 jours" ou des périodiques comme "Elle" et "Paris Match". Le groupe possède également de nombreuses filiales ou participations en Europe et aux USA (dont Grolier, spécialiste de l'encyclopédie).

Fig. 10

Le groupe Lagardère, à l'origine spécialiste de l'armement, a été systématiquement reconfiguré, depuis les années 1980, en un géant des médias

 

 

 

Source Internet [10]

Depuis la fin de la guerre, Hachette [11]  est également co-actionnaire (à 49 %) avec l'Etat (51%) de la société de distribution de presse : les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP [12] ). Celle-ci a le monopole de la distribution et une position dominante dans le métier de l'imprimerie ; mais elle est est le fief du syndicat communiste Le Livre (CGT) connu pour sa propension à la grève (distribution) ou la violence avec laquelle il cherche à contenir la concurrence (12). Cette position de force est à l'origine d'une dérive des coûts salariaux et de distribution des quotidiens qui a amené certains groupes de presse, soit à quitter les NMPP (ainsi le groupe Amaury [13] , éditeur du quotidien "Le Parisien-Aujourd'hui"), soit à ne pas y adhérer, à l'instar des journaux gratuits, un segment en plein boom depuis 2002. La question de la réforme des NMPP est en débat depuis de nombreuses années. 

 Lorsque, en 1986, le gouvernement français a commencé à privatiser une série d'entreprises publiques, Hachette avait été autorisé à reprendre la radio Europe 1 alors publique. Celle-ci avait été créée par l'Etat (via sa société de participation financière Sofirad) en 1955 sur le territoire de la Sarre, à l'époque française ; elle émettait sur la fréquence ondes longues orientée vers l'ouest (autrefois attribuée à l'Allemagne). La mission de cette radio d'Etat était de contrer la programmation de RTL (dont l'émetteur est au Luxembourg), financée exclusivement par la publicité, et considérée comme politiquement trop indépendante. Aujourd'hui encore, Europe 1 [14] , qui s'est hissée dans le trio de tête des radios généralistes françaises, émet à partir de la Sarre bien que ses studios se situent à Paris.

Au fil du temps, cette radio a constitué un réseau de stations (dont les deux musicales Europe 2 [15]  et RFM [16] ), et le groupe Europe 1 contrôle désormais un peu moins de 30 % du marché radiophonique français, cette part étant le maximum autorisé par le droit de la concentration des médias. Depuis la libéralisation de l'audiovisuel allemand, le groupe est également actionnaire de diverses stations allemandes, parmi lesquelles 98,8 Kiss FM  [17] à Berlin, une adaptation du programme français du même nom, ou encore Radio Salü  [18] à Sarrebruck. Europe 1 était aussi l'un des premiers groupes français à prendre part au développement de la radio commerciale dans les pays de l'Europe de l'Est après la chute du Rideau de fer.

Cette association entre armement et hautes technologies d'un côté, médias de l'autre, n'a guère inquiété une opinion qui, dans le contexte de l'abolition du monopole audiovisuel d'Etat, redoutait alors bien plus la prise d'influence politique qu'une éventuelle collusion entre intérêts industriels et médiatiques. Et de fait, le risque est faible que la communication du groupe soit dommageable à la neutralité de l'information, puisqu'une telle dérive nuirait à la réputation - et donc à l'audience comme aux recettes publicitaires - de ses supports d'information. Cela étant, il n'existe pas moins un risque indéniable pour l'objectivité de l'information lorsque la société éditrice ou opératrice est également le principal annonceur de ses propres supports ou que le média d'information est tributaire d'un annonceur principal. Ce phénomène est bien connu dans la presse mode ou automobile. 

Le groupe Lagardère, qui est aussi l'un des principaux producteurs audiovisuels et cinématographiques, est également présent sur le marché de la télévision. Il s'est engagé très tôt dans la télévision par câble (distribuée par abonnement), où il édite notamment La Chaîne Météo [19] , une chaîne pour les jeunes (Canal J [20] ), des thématiques musicales (MCM, Muzzik), etc. Cette offre est également distribuée aujourd'hui via le bouquet satellite numérique CanalSatellite [21]  dans le tour de table duquel l'industriel (34 %) était entré en 2000 dans le cadre d'une "alliance stratégique" conclue avec le groupe Vivendi. 

Lagardère groupe se concentre sur le marché de la télévision numérique à péage depuis son échec, en 1992, sur le marché de la télévision analogique hertzienne. La chaîne La Cinq [22] , dont il était alors l'opérateur co-actionnaire de la société Reteitalia du groupe Berlusconi, avait dû déclarer faillite. Or cet échec commercial avait aussi des origines politiques (13). Aux yeux du gouvernement, il y avait une chaîne de trop : depuis la privatisation de TF1, les télévisions privées étaient plus nombreuses que les chaînes publiques (3:2) et ces dernières, mises à mal par cette concurrence, voyaient fondre leurs recettes publicitaires. Quand La Cinq eut cessé d'émettre, le canal ainsi libéré fut attribué ensuite à la chaîne ARTE [23]

Depuis, le groupe Lagardère mise sur le potentiel commercial que génère la convergence entre l'audiovisuel et les services électroniques. Spécialiste des technologies, il a ainsi lancé une plateforme Internet grand public (Club Internet), proposant également des conseils aux entreprises dans le domaine du business électronique. La perspective d'une extension des capacités dans le fil de la numérisation de l'audiovisuel amène aujourd'hui le groupe à se reconfigurer. Lagardère Groupe projette ainsi de se séparer partiellement de ses divisions armement et aéronautique pour se concentrer sur les seuls médias.

Dassault - la succession de Hersant

L'engagement du groupe aéronautique Dassault sur le marché des médias est plus récent. En 2004, le département Dassault Communication [24] a pris la majorité (82%) du groupe Socpresse, éditeur de news magazines comme "L'Express" et de quotidiens comme les français "Le Figaro", "Le Dauphiné Libéré", ou le belge "Le Soir". La Socpresse cherchait un nouvel acquéreur depuis la mort de son créateur Robert Hersant. Quant au groupe Dassault Communication, il édite le magazine économique "Valeurs actuelles", le quotidien financier "Le Journal des Finances" ou le quotidien régional "La Gazette du Val d'Oise".

Cette prise de contrôle clôt un chapitre de l'histoire de la presse française. Comme son homologue allemand Axel Springer, Robert Hersant avait lancé un quotidien dans les années 1950 ("L'auto-Journal"), puis racheté divers titres durant les années 1970, parmi lesquels son vaisseau amiral "Le Figaro" et une série de quotidiens régionaux. Il avait ainsi constitué un puissant groupe de presse 'pesant' un tiers de la PQN et un cinquième de la PQR. Cette vague de concentration qui touchait la presse française au début des années 1980 avait été l'un des éléments déclencheurs de la rapide libéralisation de l'audiovisuel : le groupe Hersant avait été le co-fondateur, avec les groupes Hachette et Berlusconi, de l'éphémère chaîne La Cinq.

Fig. 11

Marcel Dassault, fondateur d'un groupe industriel, aujourd'hui bien ancré dans le secteur des médias également. Le groupe est aujourd'hui dirigé par son fils Serge Dassault.

 

Source Internet [25]

Le rachat de la Socpresse par le groupe Dassault déclenche aujourd'hui une nouvelle vague de restructurations sur le marché de la presse et de l'audiovisuel. La Commission européenne avait lié son autorisation à l'obligation faite à Dassault Communication de vendre certains de ses titres. Ceux-ci sont susceptibles d'intéresser les groupes industriels déjà présents dans le domaine des médias. Parmi eux, le groupe LVMH [26] (Louis Vuitton-Moët-Hennessy), spécialisé dans le luxe, et à qui appartient Radio Classique [27] , une radio musicale diffusant également de l'information économique ; il est par ailleurs éditeur du quotidien économique "La Tribune" ou du magazine "Connaissance des Arts", et prestataire de services en ligne (dont par exemple la bourse d'entreprises Salon des Entrepreneurs [28] ). De son côté, le groupe PPR [29] (Pinault-Printemps-La Redoute), propriétaire de la FNAC [30] ou de Gucci, est actionnaire de la radio économique BFM [31] et éditeur du quotidien financier "L'Agefi" ou du news magazine "Le Point".

Fig. 12

Le groupe LVMH (Louis Vuitton-Moët-Hennessy), spécialisé dans le luxe, est opérateur de Radio Classique, une radio musicale diffusant également de l'information économique, éditeur du quotidien économique "La Tribune" ou du magazine "Connaissance des Arts", et prestataire de services en ligne (dont par exemple la bourse d'entreprises Salon des Entrepreneurs).

Source Internet [32]

Car la quasi-totalité du marché de la presse appartient à des groupes industriels ou des investisseurs financiers (essentiellement des assureurs). Même des titres comme "Le Monde [33] " ou "Libération [34] ", dont la notoriété de marque est pourtant assise sur leur indépendance, ont ouvert leur capital depuis longtemps et projettent l'introduction en bourse. Seuls quelques éditeurs de PQR échappent encore à cette tendance, dont le puissant groupe Ouest-France [35] qui publie le quotidien du même nom. Quant aux autres, il s'agit d'entreprises familiales, le plus souvent en proie à un délicat problème de succession, ce qui les fragilise économiquement.

Mais tôt ou tard, elles devront se résoudre elles aussi à ouvrir leur capital à des groupes industriels ou à des groupes de presse en voie de constitution comme la société Le Monde SA. L'éditeur du quotidien national a récemment repris notamment "Le Midi Libre" et racheté la magazine télé catholique "Télérama" ; et il a lancé récemment un portail Internet payant, Le Monde Interactif, dont il est l'opérateur aux côtés du groupe Lagardère.

Le Groupe Suez quitte RTL Group et se concentre sur le marché de l'énergie

L'exemple du groupe SUEZ [36] (ex-Lyonnaise des Eaux), dont les métiers sont l'eau et l'électricité, montre que les phases de genèse puis de développement du marché des médias s'achèvent actuellement. Depuis que les marchés européens de l'énergie ont commencé à se libéraliser, le groupe préfère se concentrer sur le développement de son cœur de métier et commence à se défaire de ses participations dans les médias, des participations au demeurant plus rentables en termes politiques qu'économiques.

C'est ainsi que le groupe Suez a revendu, au début de 2004, les parts qu'il détenait dans le bouquet numérique TPS et dans la chaîne hertzienne M6 [37] . L'opération plongea dans l'embarras le CSA et le gouvernement car elle révéla la nécessité de réformer le droit de concentration des médias.

Actuellement en effet, un actionnaire ou plusieurs actionnaires agissant de concert ne peuvent détenir que 49 % du capital d'un opérateur au maximum (le même régime forçant à la création de consortiums était en vigueur en Allemagne jusqu'en 1995). Or le co-actionnaire de Suez, RTL [38] Group, opérateur de M6, aurait souhaité accroître ses parts en rachetant celles de Suez - mais le droit de la concentration des médias le lui interdisait doublement. Il se heurtait au seuil des 49 %, mais aussi à une disposition interdisant à tout actionnaire étranger de détenir plus de 20 % du capital d'une société nationale de radiodiffusion. Cette disposition de la loi de 1986 est censée éviter que les médias nationaux ne tombent aux mains d'intérêts étrangers.

On trouva donc un compromis: RTL Group eut l'autorisation d'accroître sa part jusqu'à 48,39 %, mais dut en contrepartie se contenter de 34 % seulement des droits de vote, le CSA s'engageant pour sa part à rouvrir les négociations au cas où le gouvernement estimerait opportun d'assouplir le droit des concentrations. Voilà pour la version officielle. En réalité, la réglementation française n'est plus guère compatible avec la libre circulation des services ni la liberté d'établissement qui prévalent au sein du marché communautaire, et le gouvernement français sera tôt ou tard contraint de la mettre en conformité.

RTL Group. Un géant européen des médias, mais mal-aimé 

RTL Group, l'unique groupe européen multimédias [39] , n'a pas bonne presse en France. Bien qu'il n'en soit bien sûr pas fait état officiellement, le seuil des 20 % de parts que peut détenir un actionnaire étranger était une disposition adoptée sur mesure pour les actionnaires du groupe germano-luxembourgeois, né en 1996 par fusion entre la société Ufa (filiale de Bertelsmann) et la Compagnie luxembourgeois de Télédiffusion (CLT). En France, cette fusion avait été ressentie comme un camouflet : les intérêts audiovisuels français tombaient aux mains du capital étranger !(14) . En effet, depuis la fin de la dernière guerre, la CLT luxembourgeoise, dont une partie non négligeable du capital appartenait également à un actionnaire belge (Albert Frère), était implicitement considérée comme une entreprise française. La France voyait le Grand Duché comme une sorte de "glacis audiovisuel" permettant de contenir la suprématie présumée de l'Allemagne (15); de plus, il héberge l'émetteur de la plus importante des radios généralistes françaises : RTL. 

Fig. 13

Depuis le 13 janvier 1997, l'industrie européenne de la radio et de la télévision se plie devant la prédominance du groupe de médias CLT-Ufa, qui est devenu RTL Group en 2000 et dont le siège se trouve au Luxembourg. Le groupe a acquis une renommée internationale en raison de son expertise 

 

 

Source Internet [40]

RTL, qu'on appelle pour cette raison une "radio périphérique" (tout comme Europe 1 et, dans une moindre mesure, Radio Monte Carlo - RMC [41] ), a profondément marqué de son empreinte la culture radiophonique française. Son mode de financement exclusivement publicitaire la protégeant de toute ingérence politique, RTL a pu acquérir une crédibilité qui s'est étendue, ensuite, au média radio en général; aujourd'hui encore, la radio est le média dans lequel les Français ont le plus confiance. RTL a également introduit la grille caractéristique des radios généralistes avec leur prime time entre 6 et 9 heures du matin : structurée par les journaux d'information, elle propose émissions sportives, culturelles, musicales, des dramatiques, des services, des débats et des jeux. Elle propose à un vaste auditoire une offre riche et variée - un concept qu'on ne connaît en Allemagne que dans le domaine de la télévision.

Dans ce contexte, le retrait de Suez défaisait en quelque sorte le dernier lien rattachant RTL à la France - une perspective d'autant plus douloureuse qu'elle invoquait le spectre d'une "germanisation" des médias français. Le chaînes allemandes de l'ARD et la ZDF sont actionnaires pour moitié de la chaîne ARTE, diffusée par voie hertzienne terrestre ; cela est certes souhaitable sous l'angle de la politique culturelle et européenne, mais elles n'en occupent pas moins une partie du spectre hertzien national. A cela s'ajoute la forte présence, moins diplomatiquement bienvenue [42] , d'une filiale du groupe allemand Gruner + Jahr (Bertelsmann) : Prisma Presse, qui est aujourd'hui le numéro 2 sur le marché français de la presse magazine.

Fig. 14

Avec plus de 90 % des actions, Bertelsmann détient toutes les clés de la gestion de RTL-Group

 

 

 

Source Internet [43]

RTL Group est l'opérateur du groupe M6 [44] : il réalise la chaîne hertzienne terrestre du même nom, destiné à un public jeune et familial, et est présent au tour de table du bouquet numérique TPS dans lequel il diffuse une série de chaînes thématiques - par exemple : Téva [45] (féminine), Cinéfaz ou Fun TV - également disponibles sur les réseaux câblés.

Le groupe, dont la chaîne M6 est en situation de concurrence frontale avec TF1, est contraint d'innover en permanence. C'est ainsi que M6 diffuse la seule émission économique de la télévision française (Capital) et qu'elle a été la première à adopter les concepts de télé-réalité développés par le groupe hispano-néerlandais Endemol : de "Loft Story" (connu sous le nom de "Big Brother" en Allemagne) jusqu'à "Popstars".

Par ailleurs, depuis le début des années 1990, M6 coopère étroitement avec la presse quotidienne régionale : elle a été la première chaîne à offrir des informations locales et régionales. Ces émissions sont diffusées à certaines heures de la journée par décrochages (comme les journaux régionaux que diffusait autrefois la première chaîne de l'ARD). La chaîne publique nationale France 3 [46] (groupe France Télévisions [47] ) a suivi l'exemple, mettant à contribution ses studios régionaux. Ces informations régionales et locales répondent à une demande d'autant plus forte que, du fait de la structure centralisée du pays, les médias se concentrent tous sur l'information nationale, à l'exception, bien sûr, de la PQR et d'une poignée de radios.

Fig. 15

Depuis 2002, le club de football Les Girondins de Bordeaux appartient au groupe M6 - une participation stratégique pour l'offre d'émissions sportives.

Source Internet [48]

Depuis 2002, le club de football Les Girondins de Bordeaux appartient au groupe M6 - une participation stratégique pour l'offre d'émissions sportives. M6 est loin d'être le seul groupe médias à s'assurer de la sorte un accès prioritaire au "produit" que sont les événements sportifs. Canal + par exemple est propriétaire du club de football Paris Saint-Germain. Quant au groupe Amaury, éditeur du quotidien sportif "L'Equipe" (le plus lu de tous les journaux français), il leur a servi de modèle : non content d'être partenaire du Tour de France, il est co-organisateur de divers événements dont le rallye Paris-Dakar. Dans la perspective d'une plus grande diversification de l'offre de programmes qui s'annonce avec la prochaine numérisation des services audiovisuels, l'accès aux droits de retransmission sportifs comme à des contenus innovants est un enjeu stratégique.

NRJ-Group - un jeune groupe désormais bien établi

Sur un marché médiatique investi par l'industrie, le groupe NRJ [49] , une société cotée en bourse et qui appartient à son fondateur, Jean-Paul Baudecroux [50] , est atypique. NRJ a une part active dans la vague de concentrations en France et enregistre une forte croissance sur le marché européen. En 1981, J.-P. Baudecroux avait lancé à Paris un nouveau format : une radio musicale destinée aux jeunes. Il n'y avait alors en France qu'une demi-douzaine de radios, diffusées en ondes longues sur l'ensemble du territoire : les radios publiques et les "périphériques", toujours considérées comme nationales de ce fait.

Des stations pirates et l'opposition politique découvraient à l'époque la bande FM qui n'était pas encore en service en France. Parmi elles, il y avait NRJ [51] qui fut légalisée en 1982 comme la plupart des radios pirates. Aujourd'hui, outre les radios nationales qui diffusent en ondes longues et en FM, on compte une multitude (plus de 1 800) de radios FM, le plus souvent de petite taille, la FM ne permettant pas techniquement de couvrir de longues distances. Or comme leur auditoire est trop peu nombreux pour assurer leur survie économique, elles se sont regroupées ou se sont constituées en réseaux.

Fig. 16

NRJ-Energy, holding des filiales étrangères de NRJ-Group, pour qui le marché le plus important est l'Allemagne.

 

 

 

 

Source Internet [52]

L'un des principaux réseaux radiophoniques a été ainsi constitué par NRJ, qui a racheté une série de radios et les a rassemblées en quatre familles - autant de marques : NRJ (marque principale), Chérie FM, Rire & Chansons et Nostalgie. Lorsque le groupe a atteint les limites de sa croissance en France, il a créé sur le marché européen des filiales baptisées Energy [53] pour l'assonance, ce qui lui a permis d'établir ses marques dans l'ensemble du marché communautaire. Son site privilégié est l'Allemagne ; d'abord pour la dynamique de son marché publicitaire, deux fois plus important que le français, ensuite, parce que, en comparaison internationale, le marché de la radio y est encore sous-développé.

En France, le groupe NRJ se prépare lui aussi à l'avènement de la télévision numérique terrestre. Il projette ainsi de lancer une chaîne généraliste à dominante musicale : NRJ TV. Gratuite, elle devra vite séduire ses spectateurs car plus les taux d'audience sont élevés, plus les recettes publicitaires sont importantes. A cet effet, le groupe misera sur d'évidents effets de synergie entre la radio NRJ et NRJ TV [54] , la première utilisant son antenne pour promouvoir la seconde et en entretenir la notoriété. Si le groupe NRJ, à la différence de ses concurrents, n'a pas choisi le modèle économique de la télévision à péage, c'est qu'il compte mettre à profit la prochaine libéralisation du marché publicitaire français. Pour se mettre en conformité avec le droit européen de la concurrence, la France doit en effet lever les interdits publicitaires qui frappent le cinéma et l'édition assouplie au début de 2004 dans les secteurs de la presse écrite et de la distribution. La libéralisation créera une nouvelle dynamique et générera de la croissance.

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Notes

(10) Dès avant l'adoption de la loi de 1986 sur la communication, le président François Mitterrand en personne avait accordé des autorisations d'émettre au groupe Berlusconi et à une poignée de sociétés triées sur le volet.

(11) Isabelle Bourgeois, " Jetzt oder nie. TF1 zieht es zu Kirch nach Deutschland", in epd medien n° 20, 15-03-2003 

(12)Isabelle Bourgeois, Es geht ans Eingemachte. Frankreichs Krieg gegen Gratiszeitungen, in: epd medien n° 21, 20-03-2002

(13) Isabelle Bourgeois, La Cinq vor dem Aus. Chronik eines angekündigten Todes, in: epd medien n° 25/26, 4-04-1992.

(14) Isabelle Bourgeois, Ausverkauf. Was die Fusion CLT-Ufa in Frankreich wirklich bedeutet, in: epd medien n° 53, 10-07-1996.

(15) Pour cette même raison, la CLT a longtemps été considérée comme suspecte en Allemagne, notamment au début des réflexions sur la libéralisation de l'audiovisuel, à la fin des années 70 et au début des années 1980

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