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Cadre réglementaire

Un marché soumis à réglementation sectorielle

Alors que le segment de la presse écrite obéit aux seules lois du marché, le secteur de l'audiovisuel privé est soumis à une régulation sectorielle, exercée par une institution indépendante de l'Etat : le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel [1]  (CSA) (4). En revanche, l'audiovisuel public, c'est-à-dire les sociétés holdings Radio France [2]  et France Télévisions [3] , reste dans le champ de compétences de l'Etat qui se contente aujourd'hui d'en exercer la tutelle. Le CSA et son homologue, l'Autorité de régulation des Télécommunications (ART), coopèrent dans de nombreux domaines. En matière de contrôle de la concurrence, CSA et ART n'ont toutefois que voix consultative, ce domaine relevant du Conseil de la concurrence [4]  et de la Commission européenne.

Fig. 2/3

L'Etat exerce la tutelle des deux holdings publiques Radio France et France Télévisions.

 

 

 

 

 

 

Source Internet

Le boom de la téléphonie mobile, la rapide diffusion d'Internet et l'essor du commerce électronique ont forcé la convergence des modes de distribution et de diffusion. Techniquement, la frontière entre télécommunications et audiovisuel est devenue floue, ce qui pose de nouveaux défis aux législateurs français ou allemands. La question centrale est celle-ci : dans quelles conditions le même contenu (par exemple un film ou une radio captés grâce à un PC ou un mobile) appartient-il juridiquement à la première ou à la seconde catégorie ? La réponse semble moins malaisée à trouver en France qu'en Allemagne, puisque télécommunications et audiovisuel relèvent tous deux du secteur des services, et que la réglementation des médias ne relève pas du droit constitutionnel mais du droit commun. Dès lors, le législateur commence à développer une réglementation commune à ces deux activités de services.

Reste la principale difficulté : la définition du service public [5] à la française, selon laquelle seul l'Etat (via des entreprises publiques) peut veiller à la garantie de l'intérêt général. Or cette définition a perdu quelque peu de sa netteté depuis la libéralisation du marché des télécommunications au cours des vingt dernières années. Il n'en reste guère aujourd'hui que le concept de "l'exception culturelle" (aujourd'hui rebaptisée "diversité culturelle") pour justifier une tutelle - au demeurant réduite - sur le secteur public de l'audiovisuel. Or cette justification n'est pas exempte de contradictions, comme le montre l'exemple de la presse ou de l'édition : bien que soumis aux lois du marché, ce secteur n'en remplit pas moins sa mission culturelle et de formation de l'opinion. Mais si on considère que la "diversité culturelle" fonde une politique culturelle menée par l'Etat au moyen de subventions, commandes, et d'un mécanisme de redistribution entre les divers acteurs de la culture (dont les opérateurs audiovisuels), alors les contradictions s'effacent à nouveau. Il faut toutefois ajouter que même cette question tend à relever de plus en plus, aujourd'hui, de l'échelon communautaire.

Une politique culturelle et plus encore industrielle pour les médias

La mission de l'audiovisuel est la même en France et en Allemagne du dualisme public/privé.

Marché médiatique français : chiffres-clefs (2003)

Presse

Part du marché publicitaire: 36 % a) b)

Avec 150 exemplaires pour 1 000 habitants, la France compte deux fois moins de journaux que l'Allemagne. Diffusion vendue des quotidiens: 7,5 millions.

  • Les quotidiens nationaux (13 titres) sont tous parisiens. Les principaux :"Le Monde","Libération"(de gauche, tirage 2003: respectivement env. 500 000 et. 200 000 ex.);"Le Figaro"(conservateur, 450 000);"Les Echos","La Tribune"(économie, 180 000 et 125 000) ;"L'Humanité"(communiste, 74 000);"La Croix"(catholique, 114 000);"L'Equipe"(sport, 485 000. C'est le quotidien de loin le plus lu, avec 7 lecteurs par exemplaire).
  • Les principaux news magazines:"Le Nouvel Observateur","L'Express","Le Point"(environ 400 000 ex. chacun).
  • Les quotidiens régionaux et locaux (73) ne sont guère lus à Paris. Le plus important :"Ouest France"(près de 900 000 ex.).
  • Une particularité:"Le Canard enchaîné"(fondé en 1914, 550 000 ex.), un hebdomadaire satirique et d'investigation paraissant le mercredi. C'est le seul titre français publié par une entreprise entièrement indépendante.
 

Radio

Part du marché publicitaire: 7 % a)

Plus de 1 800 radios ont obtenu une licence. On les classe en trois catégories:

  • 5 généralistes nationales. Les principales: RTL, France Inter, Europe 1.
  • Les radios thématiques, majoritairement associées en réseaux. Les trois principaux réseaux de stations thématiques se regroupent autour de RTL, Europe 1 et NRJ.
  • Les radios associatives: elles sont peu nombreuses, et sont subventionnées.

Parts d'audience:

  • Les Top 5: RTL (généraliste, 13 %); NRJ (musicale, cible: les moins de 35 ans; près de 12 %); France Inter (généraliste, plus de 11 %); France Info (radio publique d'information en continu, près de 10 %); Europe 1 (généraliste, près de 10 %).
  • Les autres radios, musicales en tête, se partagent les un peu moins de 50 % restants.
 
TV

Part du marché publicitaire: 33 % a)

 

 
  • 75 % des foyers télévisés ne disposent que de l'offre standard (chaînes hertziennes gratuites):
    TF1 (part d'audience: c) 32 %); France 2 (21 %); France 3 (16 %); M6 (12,5 %); cinquième réseau (5 %) que se partagent la chaîne éducative publique France 5 (la journée; 6 %) et ARTE (en soirée, 3 %). A cela s'ajoute la chaîne cryptée Canal + (3,5 %) qu'il n'est possible de capter en clair qu'entre 18 et 20 heures (nombre d'abonnés: 5 millions.).
  • L'offre complémentaire, distribuée par câble et/ou satellite, n'est disponible que sur abonnement: 130 chaînes, essentiellement thématiques (part du total de l'audience TV: 10 %; abonnés : 25 % des foyers). Les deux opérateurs TPS et CanalSatellite (TV numérique à péage) comptent respectivement 3,5 millions et 6 millions d'abonnés.
    Parts d'audience des Top 6: d) RTL 9 (2,3 %); Eurosport (1,7 %), Canal J (jeunesse, 1,4 %); en 3ème position avec 1 % chacune: LCI (infos), Tiji (chaîne pour enfants, Lagardère), TMC (généraliste, Groupe Pathé), 13ème Rue (polars, Vivendi).
 
Mobiles et PC 9 millions de foyers (36 %) sont équipés d'un PC, dont les deux tiers avec accès Internet. 69 % des Français possèdent un téléphone portable.


Sources: Presse: OJD Contrôle diffusion; Radio, TV, Mobiles, PC: Médiamétrie. Chiffres arrondis. a) Recettes nettes totales des médias en 2003: env. 9 milliards € (Allemagne: près de 20 milliards €); les autres supports (cinéma, affichage, etc.) se partagent le restant. b) Quotidiens et périodiques. c) Téléspectateurs de 4 ans et plus. d) Panel: abonnés de l'offre complémentaire; spectateurs de 4 ans et plus, Etat : décembre 2003/juin 2004.

Contrairement à l'Allemagne, il n'y a pas, en France, de droit spécifique aux médias. La Constitution de 1958 se contente de garantir la liberté d'expression du citoyen. Le droit de la communication n'est pas ancré dans la Constitution, et il se caractérise par une grande continuité historique depuis l'adoption du Code Napoléon [6]  ; c'est ainsi que coexistent des réglementations d'âge et de nature disparates. En matière de presse par exemple, la loi du 29 juillet 1881 est toujours en vigueur ; mais elle n'est plus adaptée et elle a pris, au fil du temps, l'aspect d'un code pénal. Pour le dire autrement : le droit de la presse et de l'audiovisuel relève du droit commun ; cela n'est pas étranger au fait que l'approche du dualisme public/privé de l'audiovisuel est aujourd'hui celle de la politique économique. 

En 1982, la Loi n° 82-652 sur la communication audiovisuelle [7]  avait mis fin au monopole de l'Etat dans la radiodiffusion, et les anciennes administrations de radio et de télévision avaient été désétatisées. Pour concrétiser la liberté de la communication, il avait été créé une instance de régulation indépendante préfigurant l'actuel CSA [8] . Pour schématiser : la tutelle des sociétés publiques de l'audiovisuel a été confiée au ministère de la Culture ; il l'exerce aujourd'hui conjointement avec un service du Premier ministre, la Direction du développement des médias [9] , compétente pour l'ensemble des médias électroniques, de même que pour la presse. 

Parallèlement, le marché a été ouvert progressivement à de nouveaux opérateurs, de statut privé : d'abord celui de la radio puis, à partir de 1986, celui de la télévision (Loi n° 86-1067 [10]  relative à la liberté de la communication). En 1987, la société de programmes TF1 [11]  a été privatisée. Depuis, le paysage de la télévision hertzienne présente une configuration équilibrée entre un secteur public et un secteur privé : 6 chaînes sur 5 canaux, voilà l'offre standard (et exclusive) que captent plus de 70 % des ménages. 

En 2000, en partie sous la contrainte du droit de la concurrence communautaire, le législateur a été un peu plus loin encore. Le statut des sociétés nationales de Radio France et France Télévisions a été transformé en celui de SARL publiques, indépendantes, l'Etat leur transférant le capital qu'il détenait jusqu'ici. Depuis, les deux holdings sont soumises au droit commun des sociétés - avec toutefois deux restrictions. Dans la mesure où leurs activités sont en partie financées par l'impôt (la redevance, en l'occurrence), elles sont soumises au contrôle budgétaire public. Ensuite, comme elles exercent des missions d'intérêt général, elles doivent respecter des cahiers des charges en matière de programmes.

Les opérateurs privés sont soumis, eux, au régime des licences. Celles-ci sont délivrées par le CSA et sont liées également à des cahiers des charges (quotas de diffusion d'œuvres musicales ou cinématographiques, par exemple). Ainsi, les radios sont tenues de diffuser un certain nombre d'heures de musique francophone. Les chaînes de télévision ne peuvent pas programmer d'œuvre cinématographique le samedi soir ; un film ne peut être diffusé à l'antenne que plusieurs mois après sa sortie en salle. A cela s'ajoutent les quotas d'œuvres audiovisuelles européennes, tels que les prévoit notamment la Directive européenne sur la télévision sans frontières (5). 

Depuis que, au début des années 1980, le ministre de la Culture de l'époque, le socialiste Jack Lang [12] , avait créé la notion "d'industries culturelles [13] ", la politique audiovisuelle suit une approche de politique industrielle, mais tout en veillant à ménager un équilibre entre les lois du marché et le pluralisme des opinions. L'Etat, c'est-à-dire le gouvernement, agit ainsi doublement en conformité avec la mission qui est la sienne depuis la Révolution de 1789 : celle d'être le garant de l'intérêt général au plan économique comme à celui de la culture et des idées. Or aujourd'hui, du fait que les médias électroniques sont fortement tributaires du développement technologique, l'approche en termes de compétitivité et de développement tend à prendre le dessus, s'accompagnant d'une classique politique de promotion de "champions" nationaux. En 2004, le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres [14]  résumait ainsi l'approche française dans une allocution devant le Parlement : "Comment ignorer que, pour être réel, le pluralisme suppose des moyens ?" (6). 

Des "champions" nationaux pour la compétitivité du site médiatique

Les licences de radio et de télévision ont ainsi été attribuées à des groupes industriels issus du secteur des services d'intérêt économique général, des concessions publiques ou tributaires des commandes de l'Etat : énergie (Suez [15] ), eau (l'actuel Vivendi [16] ), armement (Lagardère [17] Group) ou BTP (Bouygues [18] ).

Cela dit, il n'y avait guère le choix : les banques ne pouvaient être qu'actionnaires minoritaires ; indépendamment du fait qu'elles ne jouent pas, en France, le rôle de partenaire-actionnaire privilégié des entreprises qui leur incombe en Allemagne, elles étaient encore publiques à l'époque de la libéralisation. Les éditeurs de presse, pour leur part, n'ont pas la santé financière requise pour se diversifier dans l'audiovisuel, un métier intensif en capitaux et à haut risque financier. Même un géant comme Hachette [19] , qui avait été quelques années durant l'opérateur d'une chaîne privée aux côtés du groupe Berlusconi, avait été contraint de se retirer du marché de la télévision en 1992.

Seuls des capitaux industriels entraient dès lors en ligne de compte. La "ronde des alliances" qui avait fait rage en Europe entre 1995 et 2000 révèle combien la taille d'une entreprise est un facteur décisif sur le marché des médias. Pour le gouvernement, le fait que les opérateurs audiovisuels s'adossaient à des groupes industriels de taille européenne ou mondiale devait permettre aussi de créer un avantage compétitif pour le site médiatique français. Elle a donc délibérément soutenu le cap de diversification et de fusions-acquisitions poursuivi par les champions nationaux.

Vivendi Universal - un cas particulier

L'essor, puis la chute du conglomérat Vivendi Universal [20] (VU) sous la houlette de son président Jean-Marie Messier [21] révèlent les risques inhérents de cette course à la taille destinée à transformer le groupe en "global player". Lorsque, au début des années 1990, J.-M. Messier prend la direction de la Compagnie Générale des Eaux (CGE [22] ), celle-ci n'était alors qu'une classique entreprise publique de distribution et d'approvisionnement avec quelques participations mineures dans les médias.

Fig. 4

Un exemple de la concentration mondiale dans les médias : les participations TV de Vivendi Universal et du groupe américain General Electric

 

 

Source Internet [23]

En 1997, la CGE prend le contrôle de Havas [24] (7): ce groupe, né en 1835, était à l'origine une agence publicitaire auquel est venu s'adjoindre plus tard une agence d'information dont est issue, après 1945, l'Agence France-Presse [25]  (AFP). A la fin du XXe siècle, Havas était l'un des principaux groupes d'édition français, présent également dans le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle. Il détenait en outre d'importantes participations dans le segment de la télévision à péage : en tant qu'opérateur de Canal + [26]  , d'un bouquet de télévision numérique par satellite et en tant qu'actionnaire d'une offre destinée au câble.

Canal +, la première chaîne hertzienne terrestre payante lancée en Europe, se caractérisait par un modèle économique innovant, reposant sur l'abonnement. Elle présentait également l'avantage d'être implantée outre-Rhin, c'est-à-dire sur le marché médiatique le plus dynamique d'Europe, où elle était présente au tour de table de chaînes comme Premiere et Vox. Canal + était donc un enjeu stratégique pour la conquête du marché européen. En 1996, la CGE racheta donc Havas ; et avec l'opérateur britannique Vodafone [27] , elle créa la première société privée de téléphonie française, Cegetel [28]

Fig. 5

L'actionnariat de l'opérateur de téléphonie Cegetel

 

 

 

Source Internet [29]

Dans la perspective d'un développement sur le marché européen des médias, le groupe Havas constituait un enjeu stratégique particulier dans la mesure où il était également présent au tour de table du groupe CLT-Ufa, né par fusion en 1996 et rebaptisé depuis RTL Group [30] . Havas était en effet actionnaire historique de la compagnie luxembourgeoise de radiodiffusion (elle prend le nom de CLT en 1954). Cette participation avait pour principale fonction, depuis la naissance de la radio dans les années 1920, de défendre activement les intérêts de la France par rapport à son voisin, l'Allemagne (et à son puissant émetteur installé à Langenberg) (8). C'est sur cette même fréquence ondes longues, attribuée à l'origine au Luxembourg, qu'émet toujours la radio française RTL [31] , leader sur ce marché. 

Fig. 6/7

Canal + : le plus gros producteur de films et d'émissions TV français. Le groupe a son siège à Paris, quai André Citroën et 2 rue des Cévennes.

[32]


[33] Source Internet (31.08.2004) & Source Internet [34]

En 1998 naquit la "Dream-Team Havas-CGE-Canal+", ainsi que Jean-Marie Messier décrivait le conglomérat (eau, transports, environnement, multimédias) en constitution, baptisé Vivendi la même année et dont il définit la stratégie comme suit : "des tuyaux au contenu" (9). Cette stratégie visait à créer des synergies entre les différents métiers du groupe - économie de réseaux, télécommunications, TV par câble, cinéma (Canal + est le principal producteur français), musique et édition - pour mener Vivendi au succès sur la base d'un nouveau modèle économique ("la relation à l'abonné"). Dans le contexte d'effervescence de la fin des années 1990 (et qui amenait pareillement les groupes Kirch ou Murdoch à participer à la ronde des alliances stratégiques), il était impératif d'être le premier - seul ou en partenariat avec de puissants alliés - à prendre position sur le marché européen et mondial avec son formidable potentiel de demande de services numériques. 

En 2001, Vivendi fusionna [35]  avec Canal + et Seagram, géant américain des médias et du showbiz, et prit le nom de Vivendi Universal. Mais il avait vu trop grand et dut déclarer faillite [36]  moins d'un an plus tard. Les finances du groupes n'étaient pas assez solides pour assurer ce cap de diversification et de croissance, mais la bulle spéculative sur les valeurs technologiques avait quelque temps masqué le degré d'endettement du groupe. Actuellement, le "global player", insolvable, est en cours de restructuration ainsi que le cœur des activités : le groupe Canal Plus.

 ___________________

Notes

(4) www.csa.fr 

(5) Directive " Télévision sans frontières " du 3-10-1989, modifiée le 30-06-1997 par une Directive du Parlement et du Conseil européens.

(6) Libération, 09-07-2004

(7) Voir 8) Isabelle Bourgeois, Das Ende des "Kapitalismus à la française". Die Générale des Eaux übernimmt die Kontrolle bai Havas, in: epd medien Nr. 13 vom 22.02.1997; Der lang ersehnte Global Player. Die Générale des Eaux schluckt den Medienkonzern Havas, in: epd medien Nr. 18 vom 11.03.1998.

(8) Cet émetteur (un émetteur mère) appartient aujourd'hui à l'établissement de radiodiffusion de droit public WDR. 

(9) Isabelle Bourgeois, Multimondial. Vivendi Universal und der Strukturwandel (digital), in: epd medien n° 5, 20-01-2001.

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