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'La Sarre entre l'Allemagne et la France'
 
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La Sarre entre l'Allemagne et la France

Fig. 2

L'incendie du château de Sarrebruck en décembre 1793

Tableau de Johann Friedrich Dryander, cf. Peter Burg, Saarbrücken im Aufstieg zum Zentrum einer preußischen Industrieregion (1815-60), in: Rolf Wittenbrock, avec la collaboration de Marcus Hahn (dir.), Geschichte der Stadt Saarbrücken, 2 vol., Saarbrücken 1999, vol. 1, p. 519-616.

L'occupation de la région de la Sarre par les troupes révolutionnaires françaises en automne 1792 mit fin à l'autonomie politique [1]  du comté de Sarrebruck [2] . A l'issue des bouleversements qui eurent lieu entre la Révolution française et les Guerres de libération, la question de la Sarre prit la forme qu'elle gardera durant un siècle et demi. L'incendie du château de Sarrebruck a valeur de signal pour les conflits qui suivront: la plus grande partie de ce château fut la proie des flammes en décembre 1793 - incendie dû à une imprudence, comme nous le savons aujourd'hui. Ce tragique événement n'a pas seulement sonné le glas de l'Ancien Régime en Sarre, mais a été instrumentalisé par les propagandes des deux pays pour devenir l'un des plus importants symboles du conflit franco-allemand sur la Sarre. Quelques localités sarroises envoyèrent malgré tout à Paris des "appels à la réunion [3] ", dans lesquels elles demandaient à être rattachées à la République française, pour pouvoir participer des idées progressistes de la Révolution. 

Les sévères mesures prises par l'administration militaire française et les lourdes charges causées par les cantonnements soulevèrent cependant aussi des protestations dans la population sarroise. Le Congrès de Rastatt (1791-1799) se solda par un échec quant au règlement du statut de la Sarre. Il faudra attendre la Paix de Lunéville (1801) [4]  pour que soit confirmé le rattachement à la France des territoires situés sur la rive gauche du Rhin. La région de la Sarre fait alors l'objet d'une réorganisation administrative et devient un nouveau département français qui recouvre une grande partie du Land allemand de Sarre dans ses délimitations actuelles. Le morcellement administratif n'a cependant pas été supprimé, puisque par exemple les territoires occidentaux de l'actuel Land de Sarre qui faisaient déjà partie de la France avant 1789 ont été rattachés au département de la Moselle [5] , avec Metz pour préfecture. 

Fig. 3

La Sarre en 1789 

 

 

 

 

Source Internet [6]

A peine plus de dix ans plus tard s'opérèrent en Sarre de nouveaux changements politiques et administratifs [7] . La Première Paix de Paris (1814) fixa le rétablissement des frontières de 1792. On s'écarta un peu de ce principe en Sarre, où quelques cantons - dont la Ville de Sarrebruck - restèrent français; après la nouvelle défaite de Napoléon, ceux-ci fut cependant rattachés à la Prusse par la Deuxième Paix de Paris (1815) - en particulier du fait qu'une partie des Sarrebruckois, partisans de l'Allemagne, appelaient ce rattachement de leurs vœux. Le chancelier prussien Karl August von Hardenberg prit officiellement possession du Département de la Sarre le 2 novembre 1815. 

Fig. 4

Médaille du Traité de Paix de Lunéville de 1801

 

 

Source Internet [8]

D'éphémères tentatives de règlement du conflit à l'échelle internationale débouchèrent durant cette phase sur un fréquent changement d'appartenance nationale de la Sarre qui marquera durablement de son empreinte la mémoire collective des Sarrois. Ces derniers conserveront en particulier en eux ce sentiment d'être directement menacés dans leur existence [9] , en raison de ces constants changements politiques exigeant d'eux de se reconnaître tantôt d'un pays, tantôt de l'autre. Mais il est aussi intéressant de noter les répercussions sur l'image de leur propre histoire forgée par les Sarrois: après la défaite de la France, on entendit plus fréquemment en Sarre des formules soulignant les "liens de parenté" historiques avec l'Allemagne, on en vint même à parler de la France comme de "l'ennemi héréditaire" dans le contexte de débats régionaux. Mais les relations avec la Prusse restèrent par ailleurs turbulentes. Il y eut même quelques mouvements de résistance: lors d'un accrochage entre des civils et des militaires prussiens dans une taverne sarrebruckoise, le 12 mai 1833, on entendit dans la foule en colère les cris de "Vive la République" - ce qui provoqua en retour des réactions adverses  [10] chez les Sarrebruckois pro-allemands [11] . L'idée de liberté, née de la Révolution française, les progrès opérés dans le domaine économique et juridique par rapport à l'Ancien Régime, mais aussi les ressentiments anti-prussiens, ont eu des répercussions en Sarre jusqu'à la Révolution de 1848 [12] , et trouvé leur écho jusque dans les chansons sarroises de l'époque.