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'Berlin et Paris, différents types de métropoles'
 
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Berlin et Paris, différents types de métropoles

"Es ist eine herbe Erkenntnis: keine Stadt gibt uns mehr als wir an Stimmung und Einbildungskraft mitbringen."
Carl von Ossietzky 
 (33)

Quelles conclusions concernant la notion de métropole peut-on donc tirer de cette comparaison de l'évolution de deux grandes villes au tournant du XXe siècle? Les nombreuses différences citées rendent-elles insensé de classer ces deux villes dans une même catégorie, celle de métropole? Qu'ont-elles donc vraiment en commun en-dehors de leur taille?

On peut tenter de répondre à ces questions par une nouvelle définition de la métropole qui ne serait plus géographique, mais surtout culturelle et fondée sur l'histoire des mentalités. On part ainsi du principe que l'essence d'une grande ville qui ne se contente pas d'être tout simplement de grande taille est aussi constituée d'autres fonctions, cette fois symboliques. Des villes comme Londres, Paris, New York ou Berlin doivent leur réputation de métropole à leur rôle d'écran de projection dans le domaine culturel, politique et idéologique. Ou bien en termes plus banals: elles étaient et sont des métropoles par ce que l'on a le sentiment qu'il s'agit de "villes particulières", de lieus avec lesquels chaque personne peut associer une image différente.

Considéré ainsi, il est donc possible de désigner des villes aussi différentes que Berlin et Paris par le même terme de métropole en examinant et en tentant de décrire ces "esprits" pour chacune des villes. Si l'on prend également en considération d'autres villes, il en résulte une division en deux grandes catégories caractérisées comme suit.

Paris, Londres et, jusqu'à la Première Guerre mondiale, Vienne étaient des villes anciennes, à la croissance plus ou moins organique, dans lesquelles étaient concentrées, de l'administration au domaine culturel, les fonctions les plus importantes du pays. La structure centralisée de la France, de l'Angleterre et de l'Autriche empêchait non seulement toute véritable concurrence de la part d'autres villes, mais encore il en résultait que ces capitales acquirent au cours du temps de plus en plus de nouvelles fonctions. Leur position dominante leur conférait également en quelque sorte une fonction de modèle pour de plus jeunes villes; elles devinrent des role models auxquels toute autre ville en train de croître devait se mesurer.

Fig. 29

Trafalgar Square, Londres

 

 

 

 

Source Internet [1]

Fig. 30

M. Merian: Vienne 1649

 

 

 

Source Internet [2]

Mais au plus tard vers la fin du XIXe siècle, il apparut clairement que cette définition ne pouvait s'appliquer aux villes du Nouveau Monde avec leurs millions d'habitants, notamment New York et Chicago. Les USA avaient une organisation fédérale et non centrale, ils ne disposaient pas d'une longue histoire qui pourrait servir de légitimation à leur position particulière comme c'était le cas de Paris qui s'était toujours considérée comme le successeur de Rome. On assista en revanche à une nouvelle répartition des rôles, différente, mais tout aussi puissante: la métropole en tant que lieu où la modernité apparaît en premier et se développe. Ces villes devinrent des cabinets d'expérience, de laboratoire du moderne dans lesquelles la culture de masse avec ses cinémas, ses événements sportifs et ses tracts publicitaires, la technique avec ses automobiles, ses métros et ses gratte-ciels pouvaient s'essayer et s'afficher. Aussi forte que fut dans les métropoles riches en traditions du Vieux Monde la réaction de défense contre ce genre de révolution culturelle, aussi forts devaient être, peu à peu, l'enthousiasme et l'euphorie dans une ville comme Berlin. Sans cesse sur le point de commencer à être, toujours à la recherche d'un rôle et d'une place dans les rangs des villes mondiales, New York et Chicago apparaissaient tout naturellement comme des compagnons de route. Au contraire de Paris, elles étaient libres de tout "fardeau de traditions" et rappelaient ainsi les vers de Goethe. "Amerika, du hast es besser/ Als unser Kontinent, das alte/ Hast keine verfallenen Schlösser/ Und keine Basalte." (34)

Fig. 31

Empire State Building 

 

 

 

 

 

 

 

Source Internet [3]

Fig. 32

Times Square et Broadway

 

 

 

 

 

 

 

<//td>Source Internet [4] <//td>

Fig. 33

Scène tirée du film Metropolis de Fritz Lang

 

 

 

Source Internet

 

Cette différence est encore plus visible si l'on examine la façon dont Paris et Berlin ont réagi au phénomène moderne. Alors qu'à Paris dominaient le sur-place conservateur et la réaction de défense contre toutes nouveautés et tout changement, Berlin, après une brève hésitation, "prit le train en marche" et participa avec enthousiasme au discours urbaniste des années 1920.

Si l'on parle donc de deux types de métropoles, l'une "classique" et traditionnelle, l'autre moderne, l'on peut cependant quand même les considérer comme appartenant à une même classe quand on se remémore leur effet magnétique, leur force de rayonnement et leur rôle précurseur dans tous les domaines de la modernité. Et si différentes que les voies choisies par Paris et par Berlin puissent être, les deux villes n'en sont pas moins aujourd'hui unies par la certitude d'avoir chacune suivi le bon chemin et le seul qui lui convienne.

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Notes

(33) Carl von Ossietzky, Städte, in Ders., Sämtliche Schriften, Bd. 2, hrsg. von Bärbel Boldt (u.a.), Reinbek 1994, S. 48.

(34) Johann Wolfgang von Goethe, Den Vereinigten Staaten, in Ders., Werke in sechs Bänden, Bd. 1, S. 255.