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'Enrayer l'antagonisme'
 
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Enrayer l'antagonisme

Tous les belligérants de la Première Guerre mondiale ont été marqués par la violence des combats, par les nouvelles caractéristiques d'une guerre menée avec des moyens industriels. En France, après l'expérience de la guerre des tranchées qui a dévasté les régions du Nord-Est, et sous le choc de l'hécatombe des 1,3 millions de morts (sans parler des 1,2 millions d'invalides), on commence à employer la formule " la der des der ", exprimant ainsi l'espoir qu'il n'y ait plus de pareil carnage à l'avenir. Les horreurs de la Première Guerre mondiale provoquent donc l'essor d'un pacifisme profondément ressenti par une majorité de la population française. Ce pacifisme devient une des forces déterminantes dans le paysage politique de la France de l'Entre-deux-guerres. A travers de multiples expressions, explicites ou en filigrane, il aspire à protéger la France, et pas seulement elle, d'une nouvelle saignée. 

Par exemple, un certain nombre d'auteurs de manuels scolaires fondent à cet effet de nouveaux manuels d'histoire qui s'efforcent de tenir compte des différents points de vue, lors de la présentation d'un contexte historique. Jules Isaac, aujourd'hui plutôt décrié comme un auteur de manuels indigestes et désuets, est à la tête de cette mouvance. Il exige et s'efforce lui-même d'appliquer les règles de la critique historique à la conception des manuels scolaires. Son ouvrage sur la période contemporaine fera encore référence après 1945 (document 7 [1] ).

De plus, Jules Isaac parvient à organiser des rencontres internationales de professeurs d'histoire, afin de pacifier les relations internationales en commençant par l'enseignement de l'histoire. Ces activités s'étiolent au milieu des années 1930 à cause du nazisme qui met fin à la participation des professeurs allemands. Cependant, avant l'avènement du nazisme au pouvoir, l'Allemagne a également connu une accalmie de son discours pédagogique sur la France : au milieu et vers la fin des années 1920, quelques auteurs allemands réfléchissent réellement à la question de la responsabilité et sont prêts à admettre des torts dans la démarche allemande et autrichienne (document 8 [2] ).

Mais en fin de compte, pour les auteurs allemands, la faute revient toujours à la France et à la Russie. Le sentiment d'humiliation s'avère trop profond pour faire abstraction du désir de disculper les acteurs allemands.

Sous l'emprise du traumatisme provoqué par la défaite et le règlement de la paix, les auteurs allemands ne sauraient raisonner autrement qu'en termes d'antagonisme au sujet des relations franco-allemandes. Certes, les stéréotypes sur le pangermanisme et le militarisme prussien percent aussi par endroits dans l'exposé de Jules Isaac (cf. document 7). Mais ses efforts pour faire comprendre la position allemande ont pour objectif, entre autres, de surmonter l'antagonisme franco-allemand, créant ainsi une condition primordiale au maintien de la paix. Le Canard enchaîné publie à son tour bon nombre de petits dessins et de textes, qui semblent vouloir souligner les aspects communs entre les petites gens français et allemands. Cette observation est particulièrement vraie pour les années postérieures à 1933, comme si les auteurs et les dessinateurs du journal satirique français voulaient se persuader eux-mêmes de la nature non agressive de la nouvelle Allemagne nationale-socialiste (' cf. 4.1. sous perspectives de recherche) (document 9 [3] ).

"Et elle fait toutes ses gammes en forme de croix... "

 

 

Extrait de: Le Canard enchaîné, 30 juin 1937, p. 3

A cette période-là, le discours des auteurs allemands sur la France a bien évidemment été mis au pas et répond désormais aux nécessités d'une propagande totalitaire (cf. perspectives de recherche).