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'Du recrutement à la réquisition forcée'
 
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Du recrutement à la réquisition forcée

En France, jusqu´en été 1942, les occupants allemands s´étaient contentés d´un recrutement sur la base du volontariat à partir de 300 agences réparties dans les deux zones. A partir de juin 1942, on put signer des contrats pour l´Allemagne également dans des agences françaises. Payés à la commission, des agents recruteurs semi-officiels et privés étaient également actifs. Le haut taux de chômage offrit dans les premiers mois des conditions favorables pour le recrutement.

Office de placement allemand
    

 

Source : VITTORI, Jean-Pierre: Eux les S.T.O., Paris: Messidor-Temps actuels, 1982

Puis la réorganisation de la production -principalement à la demande des Allemands et en leur faveur - fit tarir l´afflux de volontaires alors que le besoin de main d´œuvre en Allemagne augmentait sensiblement. Les efforts de propagande furent alors renforcés et une politique délibérée sur les salaires et le temps de travail fut mise en place pour libérer de la main-d’œuvre. Les composantes misogynes et xénophobes de la politique de Vichy jouèrent ici un rôle particulier. Les étrangers dépassant le contingent fixé furent affectés aux « groupements de travailleurs étrangers » et devinrent une catégorie facilement disponible aussi bien pour les chantiers allemands en France (p. ex. dans l´organisation Todt) que pour le travail en Allemagne. En tout, 20% de femmes et 23% d´étrangers se trouvaient dans convois partis pour l´Allemagne jusqu´en mars 1942. Des convocations d’office de chômeurs dans les bureaux de placement permettent quelques doutes quant au réel volontariat de tels engagements. Dans le département du Nord-Pas-de-Calais, des recrutements forcés et des rafles ont eu lieu dès le début de l´occupation. En tout, près de 145.000 Français partirent en Allemagne comme main d´œuvre avant la fin du mois de mai 1942. Mais comme des milliers ne renouvelèrent pas leurs contrats en raison des conditions de travail et de vie, ce recrutement correspondit de moins en moins au besoin de main d´œuvre incessamment grandissant du Reich après que l’espoir d’une victoire rapide contre l´Union soviétique eut dû être abandonné et que la guerre entra dans sa “phase totale”.

Brochure de propagande: "L'Aventure de Célestin Tournevis"
    
Source : BORIES-SAWALA, Helga, Franzosen im "Reichseinsatz" Deportation,  Zwangsarbeit, Alltag. Erfahrungen und Erinnerungen von Kriegsgefangenen und Zivilarbeitern, Francfort/Main, Berne, New York: Lang 1996, vol. 3, p. 140 et suiv.

La politique de recrutement à caractère obligatoire qui commença alors est principalement liée à deux noms, celui de l´Allemand Fritz Sauckel, qui fut nommé en mars 1942 plénipotentiaire au service de la main-d’œuvre, et celui du Français Pierre Laval, revenu au pouvoir. Au début de l´été 1942, Sauckel exigea 250.000 travailleurs français dont 150.000 ouvriers qualifiés. Le sujet des négociations entre Sauckel et Laval fut d´abord un soutien plus important du gouvernement de Vichy au recrutement de volontaires. Laval fit savoir aux Allemands qu´un geste à propos des prisonniers de guerre était urgent afin que le gouvernement collaborationniste regagne un peu de crédibilité aux yeux de l’opinion publique. Simultanément, Laval avait intérêt à conserver, au moins pour la forme, le principe du volontariat.

Le “compromis” conclu entre Sauckel et Laval fut la « Relève »: 50.000 prisonniers de guerre français devaient être échangés contre 150.000 ouvriers qualifiés. Pour cela, le gouvernement Vichy s´engageait à recruter lui-même les 250.000 ouvriers. Finalement, le rapport ne fut pas de 1à 3 mais de 1à 7, en plus, les Allemands échangèrent principalement des prisonniers de guerre âgés et peu profitables contre de jeunes ouvriers qualifiés français. Politiquement, l´engagement de Laval de recruter la main d´œuvre par ses propres moyens signifiait avant tout une politique de collaboration active. Vichy devait alors s’avérer capable de tenir ses promesses envers l´Allemagne pour mériter de devenir un partenaire privilégié dans la nouvelle Europe hitlérienne. Dans son célèbre appel à la « Relève », Laval présenta l´engagement volontaire en Allemagne non seulement comme un devoir national envers les prisonniers de guerre, mais il alla jusqu’à souhaiter expressément la victoire finale de l´Allemagne.

Affiche de propagande pour le travail en Allemagne:
"Ils donnent leur sang – donnez votre travail pour sauver l’Europe du Bolchevisme"

Le travail en Allemagne comme devoir patriotique devint un sujet de propagande à la radio comme dans les actualités cinématographiques. Le point culminant de la propagande fut atteint le 1er août 1942 à Compiègne lorsque le premier train de prisonniers de guerre libérés croisant celui des travailleurs volontaires de la « Relève » en partance pour l´Allemagne fut mis en scène. D´autres produits de la propagande appelant au combat anti-bolchevique au côté de l´Allemagne eurent beaucoup moins de succès. Mais ce n’est certainement pas du seul fait d’une propagande maladroite [1] que le nombre de volontaires pour l´Allemagne resta très en deçà des attentes de Vichy. Au lieu des 150.000 escomptés, seuls 17.000 ouvriers qualifiés s´étaient engagés entre juin et août 1941.

Les quatre "actions de Sauckel" en France (1942-1944)
au total 1 625 000
env. 650 000
Exigences allemandes Mesures françaises Résultats

1ère action de Sauckel
(Juin-Déc. 1942)

La „Relève“
(22 juin 1942) 

250 000 hommes
(dont 150 000 ouvriers spécialisés)
1ère mesure de force 
(4 septembre 1942)
240 000
(dont 135 000 ouvriers spécialisés)
2ème action de Sauckel
(Janvier – Avril 1943) 
Loi sur le STO
(16 février 1943) 

250 000 hommes
(dont 150 000 ouvriers spécialisés)

250 259
(dont 135 000 ouvriers spécialisés)
3ème action de Sauckel
(Mai-Octobre 1943) 
Application plus sévère et renforcement du
STO
240 000
105 610
(dont 135 000 ouvriers spécialisés)
Septembre 1943: Accords entre Speer et Bichelonne (interruption du recrutement)
4ème action de Sauckel
(Janvier-Juin 1944) 
Loi du 1er février 1944:
extension de la loi du
4 sept. 1942,
actions de "passage au peigne"
1 million de femmes et  hommes
entre 36 000 et
50 000

Modifié d'après: Roger Frankenstein: Die deutschen Arbeitskräfteaushebungen in Frankreich und die Zusammenarbeit der französischen Besatzungsmacht in: Waclaw Dlugoborski: Zweiter Weltkrieg und sozialer Wandel, Göttingen 1981, p. 220

Il sembla alors à Sauckel qu’il était temps de prendre des mesures contraignantes. Le 1er septembre 1942, un décret devait ordonner la réquisition de force de main d´œuvre en France. Laval, qui avait déjà confectionné son propre projet de loi concernant la réquisition forcée de main d´œuvre promit d´imposer les exigences des Allemands par sa propre administration. Pour les Allemands, respecter ces susceptibilités françaises n´avait que des avantages: ils économisaient beaucoup de dépenses, incorporaient la zone jusqu´à présent non occupée comme réservoir de main d´œuvre et scellaient la complicité de Laval. La « concession » de considérer les réquisitions comme du volontariat et de comptabiliser les ouvriers qualifiés pour la « Relève » des prisonniers, fut présentée comme un grand succès par le gouvernement de Vichy. La « loi relative à l´utilisation et à l´orientation de la main d´œuvre » entra en vigueur le 4 septembre 1942. En plus de la réglementation étatique et centraliste du marché du travail, cette loi introduisit une obligation de travail générale pour les hommes et la possibilité d´assignation au travail obligé pour tous les hommes entre 18 et 50 ans ainsi que les femmes célibataires entre 21 et 35 ans. Cette loi resta également une base décisive pour les mesures de réquisition qui devaient suivre.

L’organisation de la réquisition était particulièrement efficace. Au plan régional et de l´Etat, des commissions mixtes franco-allemandes fixaient les contingents et les entreprises devaient ensuite dresser des listes nominatives. Les ouvriers concernés étaient par la suite convoqués par la gendarmerie pour s´engager “volontairement” dans le cadre de la « Relève ». La signature du contrat de travail était une pure formalité, si on s´y refusait, c´était un fonctionnaire français qui le signait à la place du travailleur. Lorsqu´on réalisa au mois d´octobre que les chiffres restaient tout de même bien en dessous des espérances, les Allemands s’impatientèrent face à l´opposition grandissante contre les réquisitions forcées et évoquèrent la possibilité de prendre eux-mêmes les choses en main. En effet, une partie de la population changeait peu à peu de camp. Il y eut des exemples de contestations et de résistance ouverte aux réquisitions, ceci principalement dans la zone sud. Dans des cas isolés, il y eut des refus en masse. Cependant sur les listes des entreprises, les noms de ceux qui s’étaient soustraits au départ pour l´Allemagne, furent vite remplacés par d’autres.

Exemple d'un contrat de travail.
La signature n'était qu'une pure formalité. Si un ouvrier refusait de signer, le fonctionnaire français chargé du dossier le faisait pour lui.
    
Source : Archives privées Bories-Sawala

En tout, les exigences des Allemands dans le cadre de la première action Sauckel furent remplies aussi bien qualitativement que quantitativement: cela représentait 239.763 travailleurs dont 137.410 ouvriers qualifiés jusqu´à la fin de l´année, la part de volontaires étant négligeable. Jusqu’à nouvel ordre, les Allemands n’eurent plus rien à objecter à ce que Vichy s´occupe lui-même du recrutement de la main d´œuvre pour l´Allemagne. Mais Laval et Pétain auraient dû se rendre à l’évidence du peu d´égards que les Allemands accordaient à la susceptibilité française lorsque Hitler, sans hésiter, fit occuper la « zone libre » le 11 novembre 1942. Désormais, les mesures de recrutement de travailleurs, tout comme les lois de septembre, étaient applicables sur tout le territoire français. Cependant, le recrutement sur la base du volontariat continuait même pendant la période des réquisitions forcées. Tous les travailleurs civils français, qu´ils soient volontaires ou requis, avaient d’ailleurs le même statut en Allemagne. Il est cependant peu vraisemblable que de nombreux travailleurs soient venus volontairement en 1943 et 1944, sachant que les informations sur le bombardement des villes allemandes par les Alliés et les conditions de vie et de travail médiocres s’étaient répandues en France. Les femmes françaises ne furent jamais l´objet de réquisition forcées, bien que la loi du 4 septembre 1942 eût rendu possible une telle mesure. Les réquisitions de femmes étaient prévues mais n´eurent pas lieu car la France fut libérée avant que l´application des mesures n’eût été possible.

La pause du recrutement après la réussite de la “première action Sauckel” à la fin de l´année 1942 fut de courte durée. En janvier 1943 déjà, Sauckel revint à la charge, demandant 250.000 travailleurs jusqu´au 15 mars 1943, c’est-à-dire 4.500 hommes par jour. C’est alors que la transformation des prisonniers de guerre en civils fut réalisée et utilisée à des fins de propagande: pour chaque travailleur civil français qui décidait de partir pour l´Allemagne, un prisonnier de guerre allait avoir le statut de travailleur civil. A y regarder de près, les Allemands y gagnaient doublement: ils obtenaient de la main d´œuvre et économisaient du personnel de surveillance.

Pour trouver les 250.000 travailleurs civils promis par Vichy, un autre dispositif de réquisition fut mis en place. La loi du 16 février « portant institution du Service du travail Obligatoire » prévit un service de travail obligatoire de tous les adultes français de sexe masculin. Les hommes nés en 1920, 1921 et 1922 furent les premiers concernés. Que ce ne soit plus uniquement les ouvriers de l´industrie qui soient appelés fut présenté par Vichy comme une mesure d´égalité sociale. De plus, le principe de recrutement général et par classe d’âge des jeunes hommes et la durée de deux ans de ce service devait l’apparenter au service militaire et le remplacer. Il devait contribuer à ce que le service de travail soit considéré comme un devoir national. C´est ainsi qu´argumentaient les papiers qui furent donnés aux appelés.

Afin de trouver de nouvelles recrues, aussi bien la propagande française que la propagande allemande mettaient en avant de hauts salaires et donnaient une image de la vie des travailleurs étrangers en Allemagne qui faisait presque oublier que le pays était dans une situation de “guerre totale”. Le combat anti-bolchevique au côté de l´Allemagne et même au nom d´un idéal social que l´Union Soviétique aurait trahi et que l´Allemagne d´Hitler serait en train de réaliser, était prôné par une propagande idéologique musclée. Hitler y est présenté comme un simple fils du peuple et l´Allemagne comme un pays dans lequel le socialisme était déjà une réalité, comme le prétend également Sauckel dans un discours emphatique devant les travailleurs français en octobre 1943. Il conclut par la vision d’une “Europe des travailleurs européens” qui résulterait de ce combat pour le « socialisme ».

Fritz Sauckel [2] ,
Gauleiter et Reichsstatthalter de Thuringe, nommé en 1942 Plénipotentiaire au service de la main-d'œuvre
    
Source : Dr. Friedrich Didier, „Europa arbeitet in Deutschland", Berlin 1943

Mais de toute manière, ce n´est pas par cette propagande mais seulement par une intensification des mesures contraignantes qu’on pouvait aboutir à une augmentation notable des recrutés. Celles-ci eurent plutôt pour conséquence de diminuer le crédit du gouvernement de Vichy. La politique de recrutement de Vichy se caractérise pendant la deuxième action Sauckel par une force de décision et une rapidité spectaculaire car le gouvernement collaborationniste considérait à juste titre que gagner la course contre l´opposition grandissante était sa dernière chance. Fin mars 1943, les exigences posées par l´Allemagne étaient remplies et le 25.4.1943, le bilan de la deuxième action Sauckel était de 269.100 travailleurs dont 165.463 ouvriers qualifiés. Cette réussite impressionnante n´était pas simplement due aux nouvelles lois mais également aux réquisitions dans les entreprises qui continuèrent. Les effectifs des requis provenaient ainsi toujours surtout du prolétariat industriel et comprenaient beaucoup plus de personnes que les seules trois classes d’âge concernées par le STO.

La troisième action Sauckel succéda directement à la deuxième, cependant elle ne fut pas autant couronnée de succès. Lorsque le 23 avril 1943 les Allemands présentèrent leurs nouvelles exigences: 120.000 travailleurs en mai, 100.000 autres en juin, il ne restait plus beaucoup de temps aux jeunes Français pour disparaître de la circulation. Cette fois, comme lors des exigences allemandes suivantes, Laval et Sauckel ne prirent pas la peine d´enjoliver les réquisitions de force par de prétendues « concessions allemandes ». A la fin du mois de mai, toutes les dérogations et le sursis pour les étudiants de la promotion de 1922 furent supprimés. Cela signifiait avant tout la réquisition en bloc de pratiquement tous les jeunes hommes nés en 1922 qui se trouvaient à ce moment-là dans les « Chantiers de la Jeunesse » en zone sud. L´introduction de la carte de travail le 31 mai 1943 devait permettre le recensement complet de toutes les personnes concernées par le STO. La chasse aux réfractaires fut intensifiée par une répression policière renforcée, des listes de recherche, des rafles dans les cinémas, cafés et gares et lors de barrages de rues. Les autorités de Vichy, son administration et notamment sa police furent de plus en plus mis à la disposition de la réquisition de main d’œuvre.

Les exigences allemandes n´étaient pas encore remplies lorsque le 6 août 1943, Sauckel réclama 500.000 travailleurs supplémentaires dont 200.000 femmes jusqu’à la fin de l´année 1943. De plus, un million de travailleurs devaient être redistribués dans des usines en France produisant directement pour la Wehrmacht. Vu la situation, Laval expliqua que 2.558.000 Français travaillaient déjà directement pour l´armement de l´Allemagne. Mais il ne pouvait pas non plus livrer les 60.000 travailleurs finalement promis. Les réquisitions étaient pratiquement paralysées depuis la fin juin. Le 1er septembre, la promotion de 1923 fut soumise au STO et le revirement de l´Italie le 8 septembre 1943 signifia la fin de la protection pour les Italiens vivant en France. Le bilan resta cependant bien maigre aux yeux de Laval et de Sauckel.

La photo de la scène de départ de Romans est assez connue et souvent citée: En été 1943, les manifestants y tentent d’empêcher le départ du train par des projectiles. Les protestations devaient culminer dans des attentats contre des personnes : le 28 septembre 1943 le délégué spécial de Sauckel, Ritter, fut abattu à Paris.
    
Source : Franc-Tireur 20.3.1943

L´introduction du STO [3] fut une des raisons décisives pour laquelle la population française rejeta de plus en plus et l´occupation allemande et le régime de Vichy ainsi que sa politique de collaboration de plus en plus délibérée. En 1943, la Résistance gagna en soutien, force et structure. A plusieurs endroits, des manifestations publiques et des scènes tumultueuses eurent lieu dans des gares de départ de requis. L´augmentation de la résistance contre le STO ainsi que la formation des « maquis » signifiaient pour les jeunes hommes une augmentation des chances d´éviter le départ pour l´Allemagne. Mais au moment où échapper à la réquisition était devenu relativement facile, le gros des requis était déjà parti en Allemagne : pour la plupart, le maquis arriva trop tard. La thèse selon laquelle le maquis constituerait « l´armée Sauckel » doit être également quelque peu différenciée par le fait que seuls 20% de ceux qui refusèrent de partir pour le STO prirent réellement le maquis. Il existait d´autres possibilités pour s’y soustraire, par exemple à la campagne ou dans les secteurs non concernés par les réquisitions (agriculture, industrie minière), dans certains métiers (police, pompiers) et certaines entreprises (classées S-Betrieb) qui travaillaient directement pour l´armement allemand. Pour la plupart des appelés du STO, il ne s’agissait pas tant de refuser de contribuer à la victoire allemande, que de ne pas partir en l´Allemagne. De nos jours encore, un patron ayant demandé à l´époque à ce que son entreprise devienne une S-Betrieb n´a toujours pas à en avoir honte en public, à la différence d’une victime des réquisitions envoyée contre son gré en Allemagne, elle, suspectée de “collaboration”.

La résistance croissante aux réquisitions de travailleurs pour l´Allemagne est pour beaucoup dans l´échec de la troisième action Sauckel en été 1943. Les réserves de travailleurs étaient alors pratiquement épuisées. Les “proies faciles” des mesures de réquisition était déjà en Allemagne et les déportations entraient en conflit avec le désir de productivité des entreprises travaillant pour l´Allemagne. C´est ainsi que s´imposa en automne 1943 l´idée du ministre de l´armement Speer et que l´Allemagne renonça à de nouveaux recrutements de travailleurs français dans le Reich. Cette pause fut néanmoins de courte durée. En janvier 1944, Hitler demanda à Sauckel de récupérer encore une fois 4 millions de travailleurs en Allemagne dont 1 million provenant de France. Par conséquent, le gouvernement de Vichy promulgua le 1er février une loi qui élargissait le service de travail aux hommes de 16 à 60 ans et aux femmes sans enfants de 18 à 45 ans. Les célibataires de tous âges, les paysans exemptés du STO de la promotion 1923, tous les étudiants et toute la promotion 1925 furent recensés. La méthode de la réquisition directe dans les entreprises ayant été la plus efficace, on y revint. D’autres mesures furent prises comme l’emploi de groupes d’intervention armés, dotés de pouvoirs policiers, comprenant environ 5000 collaborationnistes français à la solde des Allemands, qui effectuaient des rafles à la recherche des « réfractaires ». Cette recherche se confondait parfois avec la chasse aux résistants et il arriva que des travailleurs furent arbitrairement envoyés en camp de concentration. La quatrième action Sauckel prit fin avec la libération progressive de la France à partir du débarquement allié en Normandie. Le bilan de cette quatrième action ne rapporta en un semestre que 40.000 travailleurs sur le million espéré, parmi eux se trouvaient des requis de la dernière heure et une moitié de volontaires, vraisemblablement des « collabos » français en fuite.

Du point de vue allemand, les réquisitions de travailleurs par Sauckel doivent être considérées comme un succès. S’il n’y eut pas plus de travailleurs français à prendre le chemin de l´Allemagne, cela est dû d´une part à la résistance de la population et d´autre au fait que, momentanément, la production sur place dans les S-Betriebe paraissait plus profitable. Les “concessions” allemandes, vues de près, représentent une contrepartie extrêmement modeste à la réquisition sous la responsabilité française. En substance, Vichy obtint pour sa docilité envers les Allemands le maintien d´une apparence de souveraineté, à condition cependant que l’avantage restât du côté allemand. L´issue de la guerre rendit obsolètes les espoirs de jouer le rôle de partenaire privilégié dans une Europe sous prédominance allemande. Le régime de Vichy avait misé avec persistance sur le mauvais cheval.