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'Conditions de vie et de travail'
 
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Départ en corvée (à gauche le Tannenberg)



Source : DURAND, Yves: La captivité. Histoire des prisonniers de guerre français 1939-1945, Paris: Fédération nationale des Combattants Prisonniers de Guerre, 1980, p.130

Conditions de vie et de travail

Les prisonniers de guerre originaires de l´Ouest amenés en Allemagne à partir de l´été 1940 travaillèrent d´abord surtout dans l´agriculture. Mais l´industrie allemande ne pouvait pas renoncer à ces travailleurs souvent qualifiés, si bien que l’affectation à un travail correspondant au métier d´origine fut introduite pour les Français. Les prisonniers de guerre, tout comme les travailleurs civils, travaillèrent bientôt dans tous les domaines de l´artisanat à l´armement en passant par l´approvisionnement public. Les entreprises devaient payer des salaires à la Wehrmacht pour le travail accompli par les prisonniers de guerre, dont les prisonniers de guerre originaires d´Europe de l´Ouest touchaient environ la moitié, en Lagergeld (« marks de camp ») les prisonniers soviétiques un quart au maximum. Dans l´agriculture, un petit salaire était payé en plus de la table et du logis. Les prisonniers de guerre, eux, préféraient travailler chez un paysan plutôt que dans l´industrie, car ils espéraient, à raison dans la plupart des cas, y recevoir un traitement plus humain ainsi qu´une meilleure alimentation. A la campagne cependant, les conditions de travail et de vie, malgré un mythe répandu, étaient loin d´être toujours idylliques.

Une baraque de prisonniers de guerre

Source : DURAND, Yves: La captivité. Histoire des prisonniers de guerre français 1939- 1945, Paris: Fédération nationale des Combattants, 1980, p. 235   

Certains des commandos de travail installés dans les villes furent logés dans des bâtiments de type écoles et hangars mais la plupart étaient dans des baraques clôturées parfois de fil de fer barbelé et les prisonniers ne pouvaient les quitter que sous surveillance, par exemple pour aller et revenir du travail. Comme dans les Stalags, l´appel, les contrôles de la chambrée et des placards, les exercices du dimanche faisaient partie de la routine militaire du camp, du moins dans les grands commandos. La «surveillance allégée » introduite pour les Français fin 1941/ début 1942, par manque de personnel, permit aux prisonniers de guerre une plus grande liberté de mouvement, ainsi eurent-ils le droit à une promenade le dimanche après-midi et, geste symbolique, d´utiliser le trottoir, droit révocable et bien défini. Ces droits avaient pour contrepartie la nomination d´un Kommando-Ältester français responsable de ses camarades. L´interdiction d´entrer en contact avec la population civile et avec les compatriotes civils restait en vigueur, et elle devait en premier lieu prévenir l’aide à l’évasion. Néanmoins, il était difficile de la faire appliquer dans les campagnes, où malgré l´interdit, les prisonniers mangeaient souvent avec les paysans, et dans les usines où un contact était inévitable lors du travail. De plus, les prisonniers de guerre français étaient appréciés des patrons allemands, qui leur donnaient parfois des postes de responsabilité, et leur accordaient des primes au rendement, quand elles furent introduites pour les prisonniers de guerre.

Distribution des "colis Croix-Rouge" dans les commandos
  

Source : DURAND, Yves: La captivité. Histoire des prisonniers de guerre français 1939-1945, Paris: Fédération nationale des Combattants Prisonniers de Guerre, 1980, p. 206

L'approvisionnement et les vêtements étaient un aspect essentiel pour la survie. Les prisonniers n´eurent à disposition dans un premier temps que les vêtements d’été qu´ils portaient le jour de leur capture en 1940. Dans les commandos de travail, qui recevaient plus difficilement les envois de secours, l'approvisionnement en vêtements était déjà si critique en 1942 que les patrons eux-mêmes s’occupèrent dans certains cas de parer au plus pressé. L'alimentation n´était suffisante que grâce aux paquets envoyés par les familles, le gouvernement et la Croix-Rouge, car les rations allemandes prévues étaient maigres. Le matin, il y avait un thé léger ou un ersatz de café avec un peu de pain. Les jours de travail, une soupe qui devint de plus en plus liquide, la plupart du temps à base de choux, de pommes de terre, d´orge, d´orties ou de rutabagas, était servie le midi ou le soir soit à l´usine soit au camp. L´autre repas était parfois constitué d´une tartine avec de la margarine. Non seulement les rations diminuaient continuellement, mais d’autre part la qualité des repas ne correspondait pas à ce que connaissaient les Français, même ceux de condition sociale modeste. Les prisonniers de guerre ne pouvaient acheter des denrées non rationnées que dans les Stalags ou dans les points de vente autorisés car, jusqu´en septembre 1944, ils n´avaient pas d´argent allemand mais seulement des « marks de camp ». Les prisonniers de guerre souffrirent de faim avant que la distribution des paquets et des envois de secours soit organisée et à partir de juin 1944 lorsque les échanges postaux avec la France furent interrompus après le débarquement des Alliés. Les rations allemandes furent alors réduites à l'extrême minimum et tout ce qui fut mangeable fut mangé, un chat ou des fleurs dans un pré s'il le fallait.

Spécimen d’une carte postale pour les prisonniers de guerre

Source : BORIES-SAWALA, Helga, Franzosen im "Reichseinsatz" Deportation, Zwangsarbeit, Alltag. Erfahrungen und Erinnerungen von Kriegsgefangenen und Zivilarbeitern, Francfort/Main, Berne, New York: Lang 1996, vol. 3, p. 228

Si le contenu des paquets était donc d´une importance considérable, leur signification affective comme celle des lettres échangées avec la famille et les amis en France ne l´était pas moins. Lorsque les anciens prisonniers ont gardé quelque chose de ce temps, c’est une petite liasse de lettres ficelée. Les prisonniers avaient le droit d´écrire deux lettres de 25 lignes et deux cartes postales de sept lignes par mois, sur des formulaires spéciaux. Les lettres étaient soumises à la censure et étaient lues et contrôlées aussi bien par la poste allemande que française. L´acheminement du courrier durait de trois à quatre semaines. Les prisonniers de guerre avaient le droit de recevoir un paquet de 5 kg tous les deux mois ainsi que deux petits paquets de 500 g ou un d´un kilo par mois contre des étiquettes que les prisonniers envoyaient à leurs familles. Bien sûr, le contenu était fortement réglementé. Les chaussures, vêtements, denrées alimentaires, bonbons, tabac, savon, jeux de cartes et livres au contenu anodin étaient autorisés. Par contre, tout ce qui aurait pu faciliter une tentative d´évasion était défendu. Le contenu des paquets français était d’ailleurs tentant pour certains gardiens allemands. Parfois, des choses avaient déjà disparu des paquets lorsqu´ils arrivaient à destination, d´autres fois, elles disparaissaient lors du contrôle des chambres et des placards, et certaines marchandises servaient comme monnaie d’échange sur le marché noir. Le repas préparé avec des aliments provenant des paquets et pris en commun par une « popote » - faisait partie des rares moments de bonheur de la captivité.

Emile C. et son camarade essayent devant la baraque les gants de boxe qu'ils viennent de recevoir.
 
Source : BORIES-SAWALA, Helga, Franzosen im "Reichseinsatz" Deportation, Zwangsarbeit, Alltag. Erfahrungen und Erinnerungen von Kriegsgefangenen und Zivilarbeitern, en 3 volumes, Francfort/Main 1996, vol. 3., p. 245

De nombreuses activités culturelles, soutenues par les entreprises et la Wehrmacht afin de prévenir contre les troubles psychiques dûs la captivité prolongée, se sont établies peu à peu. Dans la plupart des grands camps, il y avait au moins un terrain de sport pour les jeux de ballon et parfois aussi un gymnase. Sinon, des sports moins encombrants comme le ping-pong, la boxe, l’escrime ou la lutte furent pratiqués. Certains groupes jouaient de la musique, faisaient de la peinture ou du théâtre -du sketch occasionnel au programme exigeant. Se fournir en costumes et les stocker était néanmoins un problème délicat, car cela pouvait être considéré – pas toujours à tort – comme des préparatifs d’évasion.

Cette fresque murale montre un prisonnier de guerre français dans un commando de travail en train de décharger des bois ronds dans le port. De telles fresques murales de grand format montrant des scènes de la vie quotidienne des prisonniers de guerre français ont été récemment retrouvées et récupérées dans un hangar du port de Brême. Quatre d'entre elles ont été restaurées et sont exposées au Staatsarchiv de Brême, une réplique se trouve au Mémorial pour la Paix à Caen.

 

Dans les commandos de travail de prisonniers de guerre, les responsables des camps pouvaient prendre des sanctions collectives ou individuelles, par exemple priver les prisonniers des fameuses étiquettes nécessaires pour recevoir des paquets. Les abus physiques et les coups étaient fréquents dans certains commandos. Les tentatives d’évasion étaient sévèrement punies et conduisaient en cas de répétition à l´internement dans le stalag 325 (Rawa-Ruska) près de Lemberg/Lwow, où environ 13.000 prisonniers furent internés entre juin et novembre 1942 dans des conditions inhumaines. Dans chaque Wehrkreis, il y avait également des commandos disciplinaires dans lesquels les conditions de vie et de travail étaient particulièrement difficiles et où les prisonniers devaient vivre de leurs maigres rations, car ils étaient privés de paquets. Les vols, même s´il s´agissait de toutes petites quantités, étaient jugés devant un tribunal militaire, s´ils avaient été commis « en profitant de circonstances causés par l’état de guerre » et donc considérés comme « particulièrement odieux » -ce qui était le cas lorsque les prisonniers dérobaient quelque chose lors de travaux dans des maisons détruites. Les infractions contre l´interdiction de contact avec les femmes allemandes étaient également jugées par un tribunal militaire, ce « délit » comptait parmi les plus courants et était en théorie passible de la peine de mort.

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