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'Nouvelles frontières en Europe'
 
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Nouvelles frontières en Europe

Les juristes français avaient également la même vision des choses ; ils n'attachèrent que peu d'importance aux sécurités contractuelles du Traité. Cette façon de pensée à court terme ne leur fit pas tenir compte du "petit" défaut du Traité qui joua un rôle décisif : il en résultat un amoindrissement important de l'engagement moral contracté du fait qu'il ne fût pas conclu comme un véritable pactum de contrahendo entre les partenaires, mais imposé à l'Empire allemand et à ses alliés sans que des négociations sérieuses aient été menées (3). Les Français avaient renoncé il est vrai à leur objectif initial d'imposer le démantèlement de l'Empire allemand en plusieurs Etats (4), mais ils pratiquèrent la séparation effective des territoires de la rive gauche du Rhin, même si celle-ci ne tint pas compte du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, dans l'espoir de se rapprocher le plus possible de leur objectif qui était d'affaiblir l'Empire allemand à long terme. Pour les mêmes raisons, ils firent pression pour que le Traité de Versailles imposât à l'Empire allemand des conditions économiques accablantes afin d'entraver leur reconstruction militaire et économique. 

Les Français pratiquèrent la séparation effective des territoires de la rive gauche du Rhin, même si celle-ci ne tint pas compte du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, dans l'espoir de se rapprocher le plus possible de leur objectif qui était d'affaiblir l'Empire allemand à long terme.

 

 

Source Internet [1]
© www.atlas-historique.net 08-2002

Les diplomates français ont tout particulièrement soutenu, sans réserve, les vastes objectifs des plénipotentiaires des Etats de l'Europe orientale et du Sud-Est, même là où cela entraîna l'intégration de grands groupes de la population allemande dans les nouveaux Etats nationaux. La diplomatie française après 1919/20 était guidée au fond par la peur, certes inconsciente, et par l'obsession d'une nouvelle guerre avec l'Empire allemand, qui, comme souvent dans l'histoire, devait finalement devenir une parole prophétique, la "self-fulfilling prophecy". Même concernant les questions territoriales décisives, la diplomatie française envisagea en premier lieu comment pouvoir augmenter la sécurité de la France contre une future guerre d'agression de l'Empire allemand en se servant des potentiels Etats forts de l'Europe orientale et du Sud-Est comme d'un rempart.

Les soldats français ne prêtèrent qu'une moindre importance à la signature du traité de paix par les Allemands bien que celui-ci leur laissât entrevoir la démobilisation définitive et le retour dans leur famille. Ils n'y voyaient qu'une étape dans le conflit avec les Allemands qui continuerait et non une conclusion de la paix (5). Ceci correspondait à la conception de l'élite des dirigeants de la Reichswehr pendant la phase initiale de la République de Weimar qui mit tout en œuvre pour faire échouer le Traité de Versailles, alors que la grande majorité des soldats en 1918 avaient exigé la fin de la guerre et étaient absolument contre une levée en masse, comme elle avait été revendiquée à l'époque par différents côtés, notamment par Walther Rathenau [2]

Beaucoup plus graves que les clauses morales et économiques, notamment la question de la responsabilité et la revendication, ressentie par les élites allemandes comme une atteinte à leur honneur, de demander des comptes aux politiciens et militaires responsables en les traduisant devant un tribunal international, étaient les clauses territoriales du Traité de Versailles et par conséquent, celles étroitement liées des Traités secondaires [3]  de Paris (Saint-Germain-en-Laye, Trianon, Neuilly-sur-Seine et Sèvres, N.d.l.rédaction). Même d'un point du vue actuel, le nouvel ordre de l'Europe centrale et orientale, qui fut instauré à l'époque, d'une part, selon le principe de l'autodétermination nationale et, d'autre part, selon des réflexions impliquant la politique d'hégémonie, et qui créa toute une série de nouveaux Etats nationaux sur le territoire de la monarchie danubienne effondrée, apparaît comme l'aspect le plus controversé des Traités secondaires de Paris. L'application du principe de Wilson sur l'autodétermination nationale dans cet espace - peuplé par une population constituée de plusieurs groupes différents aussi bien ethniquement que culturellement - s'orientant essentiellement au critère de l'appartenance linguistique de certains peuples ou groupes ethniques, s'avéra déjà comme problématique (6). Son amalgame avec les points de vue de politique d'hégémonie, tels qu'ils furent proposés par les alliés européens, multiplia encore plus les difficultés. 

Lors de la création d'un Etat slave du Sud unifié dans le cadre du Traité de Versailles, il fut ignoré à dessein que des composants ethniques, culturels et religieux d'identité nationale se faisaient concurrence dans cette région. Il en résulta la création problématique de la Yougoslavie en tant que nouvel Etat national intégral des Serbes, des Croates et Slovènes.

Source Internet : gauche [4] / droite [5]

La diplomatie française a tout particulièrement soutenu, sans réserve, les vastes revendications des mouvements nationaux de l'Europe orientale et du Sud-Est, même là où cela entraîna l'intégration de grands groupes de la population allemande dans les nouveaux Etats nationaux. L'idée que l'on devait établir un cordon sanitaire contre l'Empire allemand conduisit à des solutions problématiques, telles que le maintien des "frontières historiques" en Bohême qui violaient le droit, du reste très respecté, des nations à l'autodétermination. Lors de la création d'un Etat slave du Sud unifié dans le cadre du Traité de Versailles, il fut ignoré à dessein que des composants ethniques, culturels et religieux d'identité nationale se faisaient concurrence dans cette région. Il en résulta la création problématique de la Yougoslavie en tant que nouvel Etat national intégral des Serbes, des Croates et Slovènes. 

La stabilité des nouveaux Etats de l'Europe orientale et du Sud-Est fut menacée dès le début par les ambitions révolutionnaires nationalistes des minorités nationales bien que les faiseurs de paix à Paris eussent essayé d'y remédier par le biais d'une loi visant la protection des minorités nationales en question qui était intégrée aux Traités secondaires de Paris (7). Les nouveaux Etats se montraient également peu satisfaits des clauses du Traité de Versailles et de celles des Traités secondaires de Paris. Un nationalisme intégral orienté à la nationalité dominante se propagea alors, peu enclin à créer un équilibre entre les différentes nationalités à l'intérieur comme à l'extérieur de ses propres frontières. Bien que les nouvelles constitutions des minorités nationales aient garanti l'égalité des droits civils et qu'il y eût toutes sortes de compromis dans le domaine de l'enseignement, tous les efforts échouèrent néanmoins d'emblée pour créer, par le biais d'une décentralisation des fonctions de l'Etat ou de l'institution d'un cadastre national, un statut juridique garanti aux minorités nationales. Toutefois, on peut d'un point de vue actuel douter que ce genre de modèles alternatifs ait pu, en raison des conditions régnant à l'époque, désamorcer durablement la force explosive des conflits des nationalités (8).

Le "spectre" de la Prusse. Dans de nombreuses caricatures de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, l'Allemagne était représentée comme étant une Prusse agressive, violente et surdisciplinée. De ce point de vue également, il est compréhensible que le retour de l'Alsace-Lorraine dans le système juridique et administratif de la république française fût accompli avec une grande énergie dès l'armistice signée.

Source de la caricature: Ursula Koch, Voisins et ennemis: La guerre des caricatures entre Paris et Berlin (1848-1890). In: J.-C. Gardes et D. Poncin (éd.): L'étranger dans l'image satirique. Poitiers 1994, p. 73-96

L'idée de nation d'Etat [6]  de l'Europe occidentale, qui n'allait pas au-delà de la protection juridique du citoyen et ne prenait acte des questions nationales pour ainsi dire qu'indirectement, s'imposa. Ceci vaut également par ailleurs pour le rattachement de l'Alsace-Lorraine à la nation française. Quant aux efforts qui furent tout de même entrepris pour donner à l'Alsace-Lorraine un statut autonome au sein de l'Etat français, ils étaient eux aussi voués à l'échec. En revanche, le retour de l'Alsace-Lorraine dans le système juridique et administratif de la république française fut accompli avec une grande énergie dès l'armistice signée. Les représentants et les membres de l'administration jusque là allemande tout comme les dirigeants allemands des entreprises industrielles locales furent immédiatement expulsés. (9) Les protestations provenant du côté allemand dirigées au début contre la rigide politique française de renationalisation en Alsace-Lorraine restèrent sans effet.

Dans ces circonstances, les chances pour l'Europe de retrouver la paix, après la conclusion du nouvel ordre territorial qui fut quelque peu retardée en raison du plébiscite encore à organiser dans certaines régions, étaient peu élevées. En outre, la confiance placée par les différents pays dans la Société des Nations [7] , instrument qui devait empêcher les futurs conflits militaires en Europe ou les limiter, était faible, d'autant plus que les vaincus de la guerre n'étaient pas représentés dans un premier temps dans ses institutions (cf. carte [8] ). Les Allemands tout particulièrement continuaient à ne voir dans la Société des Nations qu'un instrument servant à museler la politique allemande. 

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Notes

(3) Vgl. Annie Deperchin, Die französischen Juristen und der Versailler Vertrag, in: Ebenda., S. 87-102, hier S. 98 ff..
 
(4) Vgl. Jean-Jacques Becker, Frankreich und der gescheiterte Versuch, das Deutsche Reich zu zerstören, in: Ebenda., S. 65-70.
 
(5) Vgl. Bruno Cabanes, Die französischen Soldaten und der "Verlust des Sieges", in: Ebenda, S. 269-279.
 
(6) Vgl. Anton Pelinka, Intentionen und Konsequenzen der Zerschlagung Österreich-Ungarns, in: Ebenda, S, 202-211, hier S. 210. Pelinka kommt zu dem Schluss, dass das Selbstbestimmungsrecht "nicht wirklich geeignet« gewesen sei, »dem mitteleuropäischen Raum politische Stabilität zu geben".
 
(7) Vgl. dazu Pelinka, Zerschlagung Österreich-Ungarns, S. 208 ff., Detlev Brandes, Die Tschechoslowakei und die Pariser Vorortverträge, in: Ebenda, S. 174-192, hier: S. 184 ff., Hans Hecker, Zweimal Polen: In Versailles und heute. Erwartungen und Ergebnisse, in Ebenda, S. 333-341, hier: S. 335 ff.; und Dittmar Dahlmann, Gewinner oder Verlierer? Die Bedeutung der Pariser Friedensverträge für Jugoslawien und Ungarn, in: Ebenda, S. 193-201.
 
(8) Siehe dazu für den besonders kritischen Fall der Tschechoslowakei: Brandes, Tschechoslowakei, S. 186 ff.
 
(9) Vgl. dazu die bemerkenswerte Studie von François Roth, Die Rückkehr Elsass-Lothringens zu Frankreich, in: Ebenda, S. 126-144, hier S. 130-139.