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'Evaluation du point de vue actuel'
 
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Evaluation du point de vue actuel

Cette sombre image des conséquences issues des tentatives de créer un nouvel ordre après la Première Guerre mondiale s'éclaircit quelque peu si l'on compare le Traité de Versailles aux autres accords de paix conclus aux XIXe et XXe siècles (19). On remarque alors que le Traité de Versailles, concernant le contenu de ses clauses, n'était pas spécialement plus radical que les autres. C'était l'atmosphère nationaliste survoltée à la fin de la guerre qui, en raison de la montée de la démocratie de masse établie déjà pendant la guerre mondiale et de sa rapide progression après celle-ci, avait gagné telle une traînée de poudre des couches de la population de plus en plus nombreuses. Des arrangements réalistes de politique d'hégémonie de style traditionnel devinrent ainsi impossibles. C'était ce nouveau nationalisme qui donna aux Traités secondaires de Paris une force explosive politiquement destructrice.

L'une des devises directrices de Woodrow Wilson (photo) était, par le biais des Traités secondaires de Paris, de rendre le monde plus sûr pour la démocratie (to make the world safe for democracy). L'œuvre des "faiseurs de paix" de Paris était quelques années plus tard largement anéantie aussi éloignée de la devise de Woodrow Wilson.

 

Source Internet [1]

On pourrait bien sûr apporter une contre-argumentation des faits et se demander quels règlements auraient dû alors venir remplacer le mélange explosif de la "Nouvelle Diplomatie" de Woodrow Wilson d'une part, et de la politique d'hégémonie de style traditionnel d'autre part, combinées à des éléments d'un nationalisme intégraliste ? Il ressort qu'on ne peut en aucun cas donner une réponse simple. Il est un fait que les diplomates et les hommes d'Etat auraient pu et dû certes, concernant certains détails, agir différemment, mais d'autres alternatives fondamentales n'étaient pas plus présentes à l'époque qu'elles ne sont aujourd'hui perceptibles. 

En portant un regard lucide sur le Traité de Versailles, on constate que celui-ci a apporté des innovations dans le domaine du droit international public qui sont aujourd'hui généralement acceptées, telles que la condamnation de la guerre d'agression et l'idée des Nations Unies comme instrument de préservation de la paix (20). On ne devrait pas en outre perdre de vue les conséquences directes et indirectes des Traités secondaires de Paris sur la politique impérialiste des puissances européennes. L'idée du trusteeship, qui fut reconnue comme l'unique légitimation du pouvoir colonial, n'a en aucun cas mis fin au colonialisme, qui dans les années 1920 continuait à se maintenir sans grand changement, mais a toutefois donné une impulsion morale décisive aux mouvements d'émancipation du Tiers Monde, porteurs du processus de décolonisation après la Seconde Guerre mondiale (21).

Aujourd'hui, les Allemands s'estimeraient heureux s'ils pouvaient vivre dans les mêmes conditions que celles de 1919, mais dont ils ne voudraient probablement plus. Ils ne veulent même plus occuper une forte position militaire de style traditionnel, soutenue par une grande armée, telle que les négociateurs allemands à Versailles se la représentaient dans l'idéal. Les discriminations économiques du Traité de Versailles sont devenues aujourd'hui insignifiantes. Plus personne ne regrette les anciennes colonies allemandes et seule l'existence d'une banque internationale pour la compensation des paiements à Bâle, devenue depuis longtemps une banque normale d'affaires internationale, rappelle les lourdes dettes de l'entre-deux-guerres. La réconciliation avec la France et mieux encore avec la Pologne et les autres peuples de l'Europe centrale et orientale a eu lieu et les frontières de l'Allemagne, aujourd'hui tracées beaucoup plus nettement, ne sont plus controversées. Les besoins de sécurité de nos voisins européens, la France en tête, face à l'Allemagne ne sont plus d'actualité. 

La réalité des Etats européens s'intégrant mutuellement a masqué depuis longtemps l'image sombre des tentatives de créer un nouvel ordre européen après la Première Guerre mondiale. Ainsi, la situation critique et fatidique dans laquelle se trouvaient les mentalités politiques des peuples européens qui s'est développée pendant l'entre-deux-guerres est également surmontée. Elle a fait place à une nouvelle image de l'Europe qui représente en effet désormais une base sûre pour la démocratie, telle que Woodrow Wilson se l'imaginait.

 

Source (illustr.): Dialog – Deutsch-polnisches Magazin, N° 66-67, 2004 (couverture)

De telles circonstances favorables permettent d'établir un bilan critique d'un point de vue historique, libre de toutes passions nationalistes qui empêchaient de porter un regard lucide sur les faits pendant les années 1919/20 dans tous les pays ayant participé à la Première Guerre mondiale. La question n'est plus de savoir si les Allemands auraient pu vraiment payer les réparations ou non, ni dans quelle mesure les nouveaux ordres territoriaux, balayés entre-temps par une nouvelle tempête violente et guerrière qui les a réduits à l'état de maculature, étaient justifiés. Il est donc opportun que la recherche historique telle qu'elle est présentée dans cet article expose la situation critique et fatidique dans laquelle se trouvaient les mentalités politiques des peuples européens pendant l'entre-deux-guerres.

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Notes

(19) Vgl. Jost Dülffer, Versailles und die Friedensschlüsse des 19. und 20. Jahrhunderts, in: Ebenda, S. 17-34.
 
(20) Vgl. Thomas Würtemberger und Gernot Sydow mit ihrem bemerkenswerten Beitrag über "Versailles und das Völkerrecht", in: Ebenda, S. 35-52, der deutlich zeigt, wie weit sich die Voraussetzungen für eine Beurteilung des Versailler Vertrages aus völkerrechtlicher Sicht im letzten Halbjahrhundert verschoben haben.
 
(21) Vgl. Jürgen Zimmerer, Von der Bevormundung zur Selbstbestimmung. Die Pariser Friedenskonferenz und ihre Auswirkungen auf die britische Kolonialherrschaft im südlichen Afrika, in: Ebenda, S. 145-158, hier S. 153.