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'L'application du Traité'
 
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L'application du Traité

Dans toutes les classes de la société et dans tous les partis politiques se développe un nationalisme de compensation et de revanche. Se libérer des chaînes de Versailles devint un leitmotiv commun des communistes aux partis de droite. Les points les plus sensibles sont les frontières injustes de l'Est et le poids "insupportable" des réparations.

"Le coup de poignard dans le dos" (Dolchstoßlegende). Affiche électorale de 1919 qui veut faire croire que l'armée allemande n'a pas été vaincue par les forces de l'Entente, mais trahie par la social-démocratie... pour faire des Allemands les "esclaves de l'Entente".

Source Internet : http://www.lsg.musin.de/Geschichte [1] /wr/Weimarer_Republik_Projekt/die_dolchsto%C3%9Flegende.htm

À droite, dans les associations d'anciens combattants, dans la presse et certains milieux littéraires, dans les multiples groupes nationalistes dont les nationaux-socialistes ne sont qu'un parmi d'autres, on répète que la situation misérable de l'Allemagne est le fruit des briseurs de novembre, que l'armée n'a pas été vaincue, qu'elle a reçu un coup de poignard dans le dos. Cette légende, qui ne repose sur aucun fondement objectif et qui est loin d'être un thème de l'extrême droite, a été l'une des plus tenaces et l'une des plus dangereuses pour le régime républicain.

Les résistances de l'Allemagne à signer puis à appliquer le traité de Versailles accentuent l'indignation des Français; l'Allemagne a commis des destructions et des crimes; elle peut et elle doit payer; il faut appliquer le Traité que certains trouvent trop modéré, sans atténuer quoi que ce soit. L'Allemagne reste un danger qui impose une vigilance de tous les instants et la nécessité de tenir la ligne militaire du Rhin. Les Anglo-Saxons, qui n'ont pas souffert directement de la guerre, ont vite une perception plus réaliste que les Français: une Allemagne aigrie et instable peut être un danger pour l'Europe, une proie pour les bolcheviks; au lieu de l'écraser sous le poids des réparations, il faut la réintégrer dans le concert des nations pour en faire un partenaire.

"Hände weg vom Ruhrgebiet - ne touchez pas à la Ruhr": Affiche anti-française contre l'occupation de la Ruhr en 1923

Source Internet [2]

L'idée d'un redressement national qui redonnerait à l'Allemagne une armée, un rayonnement, les moyens de réviser des frontières injustes et de réunir tous les Allemands dans un même Reich, ne doit pas se réduire à quelques groupuscules d'extrême droite. C'est une réaction contre Versailles et son application dont le paroxysme a été l'occupation de la Ruhr par Raymond Poincaré [3] en 1923. C'est l'aspiration à un nouvel ordre européen dans lequel l'Allemagne occuperait la place qu'elle mérite et qu'une France décadente lui refuse, c'est-à-dire la première. À la suite des événements de 1918-1919, le nationalisme allemand est renouvelé et renforcé; il irrigue toutes les couches sociales et les républicains pacifiques de Weimar sont dans l'incapacité de lutter contre cette présente aspiration; au mieux ils peuvent essayer de le tempérer en la prenant partiellement en charge; c'est ce qu'a tenté Gustav Stresemann.

Plus de quatre-vingts ans après la fin de la Première Guerre mondiale, plus d'un demi-siècle après la catastrophe de 1945, on reste frappé par la vigueur et par la virulence des réactions des Allemands alors qu'en 1945, ils se sont inclinés devant les coups du destin. Les circonstances historiques et psychologiques de 1918 et de 1945 ne sont pas comparables.

Germania am Marterpfahl Propagandapostkarte gegen die Bestimmungen des Versailler Vertrags. Der Text auf der Postkarte lautet: "Wenn auch entwaffnet und gefesselt - am Himmel leuch't ein Hoffnungsstrahl, Es naht die Stunde der Erlösung Germanias am Marterpfahl
(Verlag: Josef Winter Oberndorf bei Salzburg, um 1920 13,8 x 9,5 DHM, Berlin PK 96/235)

Source Internet [4]

En 1918, dans leur majorité, les Allemands n'avaient pas l'impression d'avoir perdu la guerre; beaucoup d'entre eux n'avaient pas été en contact direct avec les faits de guerre; ils ont été surpris et indignés d'avoir été reconnus comme les seuls responsables et surtout ils n'ont pas admis la responsabilité collective; ils avaient conscience d'être un grand peuple humilié. Comme l'a souligné l'historien Fritz Stern, la Première Guerre mondiale est "la catastrophe originelle du siècle" et c'est l'Allemagne qui est "chargée du plus lourd fardeau". Il faut attendre la fin des années 1960 avec la publication des grands livres de Fritz Fischer pour que l'historiographie allemande réexamine les années 1911-1914 et, à partir de documents incontestables jusque-là laissés dans l'ombre, établissent avec précision et sans passion les responsabilités des dirigeants civils et militaires dans le processus qui a conduit à la guerre.