French
German
 
Ajouter au carnet
'La révolution de novembre 1918'
 
1 page(s) dans le carnet
 
 
 
 
 

La révolution de novembre 1918

Par leur soudaineté, par la rapidité de leur diffusion, les événements de novembre 1918, la révolution de novembre, ont frappé de stupeur les contemporains: en l'espace de deux semaines, l'Empire allemand semble se désagréger. Sous l'impulsion des marins de Wilhelmshaven qui avaient refusé de remonter sur leurs bateaux mener un vain combat pour l'honneur, la révolte se répand comme une traînée de poudre dans les autres ports - Kiel, Hambourg, Brème - puis s'étend en quelques jours à tout le pays, l'Allemagne se couvre de conseils d'ouvriers et de soldats: les autorités, les forces de police, l'armée sont totalement impuissantes, les éléments d'ordre sont balayés par un déferlement qu'ils réprouvent et dont ils souhaiteront se venger.

La révolte des marins à Wilhelmshaven le 6 novembre 1918

Source Internet [1]

Les jours du régime impérial sont comptés; dans toute l'Allemagne les trônes vacillent; le Kaiser réfugié au quartier général à Spa (Belgique), songe à rentrer à Berlin les armes à la main; les militaires l'en dissuadent et il s'exile à la sauvette en Hollande sans soulever le moindre regret; une semaine plus tard, il se résout à abdiquer. Pendant ce temps à Berlin touchée par le phénomène révolutionnaire, le député socialiste majoritaire Scheidemann proclame le 9 novembre la république [2] du balcon du Reichstag. Max de Bade, dépassé par les événements, s'efface. Friedrich Ebert, le chef des socialistes majoritaires, devient en même temps chancelier du Reich et président du conseil des commissaires du peuple. De son côté, Karl Liebknecht, sorti de prison un mois plus tôt, proclame au palais royal une république socialiste et démocratique; le conflit entre les deux pouvoirs ne va pas tarder. Deux jours plus tard, le 11 novembre, conduite par le député catholique Erzberger, la délégation allemande mandatée par Ebert, signe l'armistice [3] de Rethondes. La guerre mondiale est finie; une guerre civile intra-allemande commence.

L'empire a été aboli le 9 novembre 1918 et la République proclamée le même jour dans une atmosphère de révolution et de défaite par le leader social-démocrate Philipp Scheidemann. (Ausrufung der Republik vor dem Reichstagsgebäude durch Philipp Scheidemann)
(DHM, Berlin 96/747)

Source Internet [4]

Les événements de novembre 1918 interrogent. Une première explication vient du relâchement soudain des contraintes subies depuis plus de quatre ans, une impression de libération associée à une prise de conscience de toutes les vies humaines sacrifiées, de l'inutilité et de l'inhumanité de la guerre; c'est un mouvement populaire et libertaire venu d'en bas qui semble irrésistible. Les soldats démobilisés rentrent dans leurs foyers par centaines de milliers à la fois dans le désordre et dans l'amertume; certains passent dans le mouvement révolutionnaire; quelques-uns ont vu leurs décorations ou leurs épaulettes arrachées; la plupart sont bien reçus et heureux de retourner à la vie civile, mais ils ont bien du mal à trouver du travail et, s'ils écoutent un peu leurs chefs, ont l'impression qu'ils n'ont pas été vaincus. Leur pays est menacé non seulement par les alliés, mais par les drapeaux rouges; l'expérience bolchevique de la toute jeune URSS n'a joué aucun rôle dans le processus initial, mais cette dernière l'observe avec attention et intérêt et intervient immédiatement pour essayer de l'orienter et de le récupérer; les éléments révolutionnaires issus de la gauche du SPD, avec comme fer de lance les spartakistes de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, veulent libérer le prolétariat et regardent vers cette grande lumière qui s'est levée à l'est.

"Ein blutiges Meer - An Gräbern ein Heer - Das ist Bolschewismus": Affiche contre le modèle bolchevique par le Verein zur Bekämpfung des Bolschewismus (Lithographie, 116 x 81 cm, Berlin, vers 1919, DHM, Berlin, DHM 1987/399

Source Internet [5]

Dès la fin de novembre, le modèle bolchevique se profile et la crainte qu'il inspire rassemble toutes les forces d'ordre. Modèle bolchevique ou démocratie représentative? Quel va être le destin de l'Allemagne? Ebert, et avec lui les cadres de son parti, des syndicats et des associations, ont fait le choix du suffrage universel, du régime représentatif et du socialisme démocratique. Pour apaiser l'effervescence et limiter le désordre, il pense qu'il faut donner la parole au peuple allemand et faire élire une assemblée constituante. Cette décision capitale appuyée par les chefs de l'armée (Hindenburg est resté en fonction) en cours de démobilisation et qu'Ebert accueille lui-même à Berlin ("vous qui rentrez invaincus"), entraîne des affrontements armés avec le courant révolutionnaire et débouche sur la semaine rouge de Berlin (janvier 1919 [6] ): sa répression par l'armée et les corps francs conduit à une rupture entre les sociaux-démocrates majoritaires et le courant révolutionnaire.

Les événements de 1918-1919 ont laissé une mémoire ambivalente: à droite, on tient un discours de dénonciation et de haine contre les Novemberverbrecher, les briseurs de novembre, qui ont donné à la valeureuse armée un coup de poignard dans la dos et ont délibérément voulu la destruction de la patrie. Lors de sa déposition devant la commission du Reichstag, le maréchal Hindenburg n'a-t-il pas lui-même validé cette interprétation? À gauche, chez les communistes, c'est la condamnation des sociaux-traîtres en particulier de Noske, le chien sanglant, de tous ceux qui ont pactisé avec la réaction militaire, couvert et peut-être ordonné les assassinats de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg. Le souvenir de ces deux martyrs dont le sacrifice préfigurait et annonçait l'Allemagne démocratique et socialiste, sera célébré plus tard par les autorités de la RDA puis par l'extrême gauche.