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'L'issue de la guerre'
 
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L'issue de la guerre

Presque au même moment que les premières victoires allemandes, des voix s'élevèrent en Allemagne pour réclamer de la France la cession de l'Alsace et de la Lorraine, territoires qui avaient appartenu jusqu'au XVIIe siècle au Saint-Empire romain germanique et étaient devenus français en 1648. D'aucuns estimaient que les Alsaciens et les Lorrains se sentaient certes Français depuis la Révolution française de 1789, mais qu'ils restaient attachés à la langue et à la culture allemandes (cf. la contribution de A. Pletsch sur les régions frontalières [1] ). A côté de ces références historico-culturelles, la façon dont les Allemands percevaient le déclenchement de la guerre et la conviction qui en découlait qu'une réconciliation avec la France était impossible, constituaient un autre argument en faveur de l'annexion. Vouloir des frontières sûres était une revendication particulièrement plausible aux yeux des Allemands, ce qui explique le soudain et presque unanime désir de voir la France céder l'Alsace et la Lorraine. Le point de vue des Alsaciens et des Lorrains eux-mêmes ne jouait ce faisant aucun rôle. Les formulations de l'historien Heinrich von Treitschke, qui paraissent aujourd'hui excessives, reflètent bien l'opinion générale qui prévalait alors en Allemagne (Doc. 21 [2] ).

A gauche : Kladderadatsch, N° 41, 4 septembre 1870
A droite :
Kladderadatsch, N° 48, 16 octobre 1870

Bismarck avait également songé dès le début de la guerre à un remodelage territorial et était tout aussi convaincu qu'une réconciliation avec la France était impossible. A partir de la fin du mois d'août, Bismarck fit adopter cette position par ses diplomates (Doc. 22 [3] ). Presque au même moment, le nouveau gouvernement français refusa catégoriquement tout remaniement territorial par la déclaration du 6 septembre (Doc. 6 [4] ).

Le problème central de la cessation des combats, qui allait déterminer le cours ultérieur des événements, se dégage ici clairement et fait apparaître la nouvelle nature de la guerre. En dépit des évidentes défaites militaires, la France ne voulait pas se rendre. Pour mettre fin à la guerre, il ne suffisait plus désormais de vaincre une armée, comme dans les traditionnelles guerres de cabinet, il fallait à présent qu'un pays reconnaisse sa défaite.

Du point de vue de la France, on était encore loin en septembre d'avoir perdu la guerre. Le gouvernement de défense nationale était animé par l'idée d'une nouvelle "levée en masse" et, face aux revendications territoriales allemandes, partait du principe "vaincre ou mourir". Les négociations en vue d'un armistice menées par Bismarck en septembre avec Jules Favre, et en novembre avec Adolphe Thiers, se soldèrent donc par un échec. Bismarck voulait cependant mettre rapidement fin à la guerre, craignant que les grandes puissances neutres ne fassent de la guerre l'objet d'un congrès européen et ne prennent des dispositions qui ne seraient pas dans l'intérêt de la Prusse. Les militaires prussiens se prononçèrent au contraire pour une poursuite de la guerre jusqu'à l'anéantissement total de l'ennemi. Moltke parla de "guerre d'extermination" (Doc. 23 [5] ). Face à l'invasion ennemie, Gambetta appela à la "résistance à outrance" (Doc. 24 [6] ).

Bismarck tenta d'écarter le risque d'une escalade et d'une prolongation indéterminée de la guerre en renforçant les opérations militaires, en particulier sur Paris, afin de contraindre le gouvernement français à déposer les armes (Doc. 25 [7] ). La capitale française fut pilonnée à partir du début janvier 1871. A la mi-janvier, après que les nouvelles troupes du gouvernement provisoire aient été encore une fois battues, le ministre des Affaires étrangères Favre se déclara prêt à négocier l'armistice, ce que Bismarck accepta aussitôt. L'armistice fut signé le 26 janvier à l'issue de plusieurs tables rondes. Il prévoyait la capitulation de Paris, ainsi que l'organisation d'élections libres le 8 février en vue de la constitution d'une Assemblée nationale, qui déciderait ensuite du traité de paix définitif et de la forme de gouvernement à donner à la France.

Tandis que les républicains considéraient l'armistice comme une simple trêve avant la poursuite des combats (Doc. 26 [8] ), les monarchistes se prononcèrent pour l'arrêt des hostilités et l'acceptation des conditions de paix allemandes. Ces derniers remportèrent une éclatante victoire électorale. Un scrutin complémentaire organisé au début du mois de juillet, qui apporta aux républicains 99 sièges sur les 114 sièges à pourvoir, montra cependant clairement que l'élection de février avait porté en premier lieu sur la question de la paix, et non sur le choix entre la république et la monarchie.

L'Assemblée nationale se réunit à Bordeaux et le 17 février, élut Thiers comme "chef du pouvoir exécutif de la République française", sans toutefois encore décider du système politique. La tâche de l'Assemblée nationale et du cabinet de Thiers consistait en effet uniquement à liquider la guerre et à mettre en œuvre la réorganisation matérielle du pays, la question du régime politique devant être réglée à une date ultérieure. La France n'opta finalement pour la république qu'en 1877, à l'issue d'interminable débats.

Le jour où Thiers prit ses fonctions, les députés alsaciens protestèrent solennellement contre l'annexion de leur région à l'Empire allemand (Doc. 27 [9] ). Le nouveau gouvernement, dont Favre faisait à nouveau partie comme ministre des Affaires étrangères, entama aussitôt des négociations avec Bismarck. L'attitude ferme et déterminée de Bismarck fut mise en relief et glorifiée du côté allemand, comme pour souligner encore l'infériorité des négociateurs français. Après la conclusion d'une paix préliminaire, eurent lieu au printemps les premiers entretiens en vue d'un traité de paix définitif, qui fut signé à Francfort le 10 mai 1871. Ce traité prévoyait le rattachement à l'Empire allemand de l'Alsace et de la Lorraine de langue allemande, y compris de la place forte de Metz, ainsi que le versement par la France d'une indemnité de guerre de 5 milliards de Francs. Par mesure de sûreté, il était aussi prévu que les troupes allemandes occuperaient une grande partie du nord et de l'est de la France, d'où elles se retireraient progressivement, au fur et à mesure des paiements français. C'est ainsi que la guerre prit fin.

A gauche : Carte postale autour des années 1900, Archives de la Fondation Otto von Bismarck
A droite :
François Roth, La guerre de 1870, Paris 1990, p. 534